Convertir l'énergie solaire en énergie electrique, l'océan

Voici un projet original : l'énergie solaire emmagasinée par les océans peut être augmentée par des miroirs spatiaux en orbite autour de la Terre. Plus précisément, en concentrant l'énergie sur un endroit localisé : un atoll. L'atoll est idéal parce qu'il constitue une réserve d'eau dont la température peut être augmentée, ce qui permet d'améliorer le rendement des machines thermiques. Voici une idée pour le moins fantaisiste qu'on peut explorer en termes de raisonnement et calculs de flux solaire.

Voici donc l'exemple d'un atoll pour favoriser la conversion d'énergie par l'écart de température plus élevé (dû à la concentration des rayons du soleil) entre l'eau chaude et l'eau plus froide de l'océan.

Convertir l'énergie solaire en énergie electrique, l'océan

Mais la mise en orbite des miroirs spatiaux est-elle réellement efficace pour concentrer la lumière du soleil ?

SAOTEC (Space Aid for Ocean Thermal Energy Conversion)

L'idée fantaisiste d'augmenter le rendement de l'énergie issue des océans en réchauffant l'eau au moyen de miroirs spatiaux en orbite autour de la Terre émerge. Ces miroirs, en réfléchissant le flux solaire, apportent une contribution de flux qui permet d'augmenter la température de l'eau de l'atoll. On passe de la technologie OTEC à la technologie SAOTEC.

La technologie OTEC

La plupart de l'énergie solaire se perd dans les océans. Pour l'exploiter, la conversion de l'énergie thermique contenue dans les océans (ocean thermal energy conversion : OTEC) utilise l'écart de température entre les eaux des océans en profondeurs (toujours froide) et les couches superficielles chauffées par le soleil. L'idée de ce procédé de conversion d'énergie remonte aux années 1880. La conversion OTEC peut fonctionner 24 h / 24.

La conversion OTEC et s'appuie sur le cycle de Rankine avec une turbine à basse pression utilisant un fluide réfrigérant à bas point d'ébullition (ammoniac par exemple).

A l'aide de miroirs spatiaux, on peut améliorer la conversion d'énergie en concentrant le flux solaire pour réchauffer davantage les eaux de surface.

Théorie des miroirs spatiaux pour chauffer l'eau d'un atoll (SAOTEC)

Quelques approximations sont nécessaires pour rendre accessibles les calculs de flux d'énergie solaire. Il faut considérer :

  • Atoll à l'équateur
  • Les journées et les nuits durent 12 heures.
  • Le midi de l'atoll correspond au midi solaire, il n'y a aucun décalage.

Conditions d'illumination et approximations

Les conditions d'éclairement idéales sont un éclairement au zénith (incidence normale) et une absence totale de pertes dans l'atmosphère. Le flux reçu dans ce cas précis est connu comme une constante solaire, liée à la puissance émise à chaque instant par notre étoile et à la distance Terre-Soleil. Nous négligeons les pertes dans l'atmosphère ainsi que les pertes lors de la réflexion du flux lumineux sur les miroirs.

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Principe SAOTEC : miroir spatial en incidence normale

Ici, depuis l'atoll, on verrait un coucher ou un lever de soleil avec le miroir au zénith, comme une étoile très brillante en plein ciel.

Pour simplifier les calculs, le problème est ramené à un problème bidimensionnel, l'atoll est considéré sur l'équateur et les miroirs sur une orbite équatoriale. L'inclinaison de la Terre sur le plan de l'écliptique est négligée (miroirs et Soleil parcourent ainsi la même trajectoire). De plus, l'orbite de la Terre est assimilée à une orbite circulaire.

Nous supposons l'orientation des miroirs toujours convenable pour rediriger le flux vers l'atoll, ainsi le supplément de flux renvoyé par le miroir et reçu par l'atoll sera toujours le plus grand possible, pour une position du miroir donnée. En revanche, le miroir ne peut apporter ce supplément de flux que lorsqu'il est visible depuis l'atoll, cela nous donnera une condition sur les positions angulaires miroirs - atoll dans un référentiel fixe : la notion de verticale locale permettra de décrire la position de l'atoll en fonction du temps. Bien évidemment, l'autre condition angulaire est la visibilité du soleil depuis l'atoll : le flux solaire direct est nul pendant la nuit.

saotec atoll energie solaire

Angles à définir (voir plus bas)

Une autre hypothèse est que la tache de lumière au sol est toujours plus grande que l'atoll dont l'eau est à chauffer, ainsi l'atoll reçoit la plus grande puissance que le miroir peut fournir. Le soleil n'est en aucun cas considéré comme une source ponctuelle, mais un disque de lumière uniforme, d'un diamètre angulaire alpha (α = 0,53 °). La luminosité du Soleil ainsi que son diamètre sont supposés constants : on ne tient pas compte des variations de l'activité solaire.

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Diamètre apparent du soleil depuis la Terre

Toutes ces approximations reviennent à dire que l'éclairement fourni par le miroir est un éclairement uniforme, pour peu qu'on ne soit pas en bordure de la zone éclairée, là où seule une partie de la surface du miroir renvoie la lumière.

eclairement flux solaire saotec otec

Eclairage uniforme et zone de pénombre

Points de vue pour les calculs de flux solaire

C'est l'étape clé du raisonnement. La modélisation géométrique trouvée ici offre deux approches très différentes mais aboutissant, non sans joie, aux mêmes résultats.

1. Conservation de la puissance

On raisonne ici sur la conservation de la puissance interceptée par le miroir spatial, qui dépend de sa surface et son angle d'orientation. Cette puissance solaire est entièrement réfléchie, et s'étale à l'arrivée sur Terre sur une surface dépendant de l'angle d'incidence de ce faisceau par rapport au sol (horizon local) et de la distance entre le miroir et l'atoll. L'éclairement est supposé uniforme, on ne tient donc pas compte de la zone d'éclairement partiel parce que l'atoll est suffisamment petit. On exprime alors le rapport de ces deux surfaces, par conservation de la puissance, on obtient la valeur du flux au niveau de l'atoll.

2. Taille apparente du miroir et du soleil vu depuis l'atoll

Une autre approche consiste à placer un observateur sur l'atoll. Il voit le Soleil sous un certain angle solide, constant dans le temps, et émettant la lumière de façon homogène : il n'existe pas de zone du Soleil qui nous apparaisse plus claire ou plus sombre, hypothèse de simplification mentionnée plus haut. En plus de cela, il voit un miroir en orbite, de forme elliptique car le disque plan du miroir lui apparaît en perspective. Ce miroir lui apparaît sous un autre angle solide, variable en fonction de son orientation, mais avec la propriété que chaque élément de surface renvoie de la lumière. Ainsi, l'observateur verrait une partie du Soleil en regardant dans le miroir, de même que nous n'observons qu'une partie du paysage dans un rétroviseur de voiture. Le rapport entre le flux solaire direct (1370 W/m²) et le flux renvoyé par le miroir est ainsi égal au rapport des ces deux angles solides, tout en tenant compte de leurs incidences respectives sur l'atoll

Energie solaire : un flux solaire constant

Hors de l'atmosphère, le soleil émet une puissance de 1370 W/m² (appelée ici F0). En fonction de la position angulaire de l'atoll (l'heure du jour), on obtient :

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Flux solaire en fonction de la position de l'atoll

Miroirs spatiaux : un apport continu en énergie solaire

Le soleil apparaît sur Terre comme une source de lumière non ponctuelle, ce qui génère une divergence du faisceau réfléchi par le miroir en orbite. Il semble nécessaire de focaliser la lumière du Soleil pour réduire la surface de la flaque de lumière arrivant sur Terre et concentrer la puissance reçue par l'atoll. La solution du miroir parabolique ou sphérique ne permet pas d'augmenter sensiblement le flux reçu en raison de la longue distance entre le miroir et l'atoll (1750 kilomètres minimum pour éviter tout freinage atmosphérique). En réalité, le diamètre de la tache de lumière est alors approximativement une fonction linéaire de l'altitude de l'orbite du miroir. Etant donné qu'il n'est pas physiquement possible de focaliser davantage la lumière, la solution la plus simple est donc le miroir plan, et comme sa forme n'intervient pas dans les calculs, mais seulement sa surface, le miroir sera considéré comme circulaire. Le miroir plan circulaire est la solution retenue.

On peut imaginer plusieurs miroirs sur la même orbite : chacun apporte sa contribution d'énergie solaire dirigée sur l'atoll. La "constellation de miroirs" rend possible une illumination continue de l'atoll. Depuis l'atoll, on verrait plusieurs étoiles très très lumineuses...

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SAOTEC : constellations de miroirs pour concentrer l'énergie solaire sur l'atoll

On peut aussi imaginer des réflexions successives, mais cela est en réalité inefficace.

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Réflexions successives sur 2 miroirs spatiaux : inutile !

L'orbite n'est pas nécessairement géostationnaire.

Plusieurs miroirs sont ainsi toujours visibles depuis l'atoll, et leur nombre doit être augmenté si on désire diminuer l'altitude de l'orbite. Par exemple, pour une orbite de 1750 km, 20 miroirs sont nécessaires pour qu'au minimum cinq d'entre eux illuminent l'atoll de façon efficace. Entre 2 miroirs, il y a environ 2600 km.

Flux solaire : analyse géométrique en fonction des angles

Le référentiel place l'atoll comme point fixe, ainsi on définit la position angulaire φs du soleil comme fonction du temps.

Le miroir possède une surface notée Am ("A" comme "area") et est repéré par sa position angulaire φm. On définit alors l'angle φr sous lequel apparaît le miroir depuis l'atoll, c'est l'angle par rapport à la verticale locale.

Nous avons donc trois angles en jeu.

Re ("e" comme "earth") désigne le rayon de la Terre et h l'altitude de l'orbite.

Le miroir n'est pas toujours au dessus de l'atoll, en réalité les variables les plus importantes du problème sont les angles. φs décrit la rotation de la Terre, φm celle du miroir.

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Ou encore, en termes de géométrie :

saotec ocean thermal energy conversion

Flux solaire et angles mis en jeu pour l'analyse SAOTEC

Cette figure indique quels sont les angles importants dans la modélisation, et quelle est la situation la plus simple pour se représenter le problème. On voit que le miroir n’est pas toujours au dessus de l’atoll, et qu’en fait les variables essentielles du problème sont les angles. φs permet de prendre en compte la rotation de la Terre, φm celle du miroir. φr n’a aucune signification physique et sert juste d'intermédiaire de calcul.

Le flux constant solaire est notée F0, flux reçu en incidence normale par une surface placée sur Terre (pertes dans l'atmosphère négligées). Fm est le supplément de flux reçu par l'atoll grâce au miroir. Comme on étudie le flux au niveau de l'atoll (W/m²) et non la puissance totale reçue par l'atoll, la surface de l'atoll n'a aucune importance.

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Ceci permet d'aboutir à la contribution en flux solaire Fm apportée par le miroir spatial :

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Contribution du miroir pour le flux solaire reçu par l'atoll

Ceci est valable tant que le miroir spatial est éclairé par le Soleil et peut renvoyer le flux sur l'atoll. Autrement dit, le miroir doit être visible depuis l'atoll et ne pas être caché derrière la Terre. Pour N miroirs, il suffit d'additionner les contributions individuelles de chaque miroir.

SAOTEC : résultats des calculs et simulation

La conversion d'énergie solaire peut-elle est vraiment aidée par la présence de miroirs spatiaux ? les résultats figurent ci dessous.

SAOTEC : résultats pour un seul miroir

Flux solaire seul :

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Flux solaire au cours de la journée (sans miroir)

Contribution des miroirs spatiaux

La contribution d'un miroir spatial est proportionnelle à sa surface. Le diamètre du miroir spatial plan est de 1 km pour les résultats ci dessous. Technologiquement impensable...

Miroir géostationnaire

Le miroir en orbite géostationnaire (35900 km) est toujours au dessus de l'atoll, et ainsi étudier son apport flux est aisé :

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Flux solaire apporté par un miroir spatial géostationnaire

  • A minuit, le miroir ne reçoit pas de flux de la part du Soleil, il n'apporte donc pas de flux à l'atoll
  • Peu après, le miroir reçoit du flux et le réfléchit sur l'atoll. Ce flux est maximum car l'incidence est optimale
  • L'apport de flux est donc ensuite décroissant
  • A midi, le miroir est parallèle aux rayons du Soleil, il ne peut donc pas réfléchir de flux, le flux apporté sur l'atoll est presque nul

Ensuite, de midi à minuit, le scénario se répète en sens inverse.

Le flux est ridiculement faible (0,02 W/m² comparé aux 1370 W/m² du soleil)

Miroir à une orbite de 2000 km

A 2000 km, on obtient un flux plus élevé (3,35 W/m²) :

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Flux solaire apporté par un miroir spatial à 2000 km d'altitude

Le flux apporté par un seul miroir atteint une valeur environ 300 fois supérieure au cas géostationnaire. Ainsi l'altitude a une influence essentielle sur le flux solaire apporté par un miroir. Même si la valeur de flux (Fm = 3,35 W/m²) est beaucoup plus importante que dans le cas géostationnaire, elle reste très faible (0,3 %) devant le maximum du flux solaire seul (1370 W/m²).

Un seul miroir à altitude moyenne est inutile.

Miroir à une orbite de 500 km

On obtient cette fois ci un flux solaire jusqu'à 52 W/m² (soit 3,8% de 1370 W/m²). Cette orbite aussi basse n'est pas réaliste à cause des frottements dans l'atmosphère.

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Miroirs spatiaux à 500 km

SAOTEC : Cas de plusieurs miroirs spatiaux

En plaçant plusieurs miroirs qui dirigent tous leur flux solaire vers l'atoll, on augmente l'efficacité de la centrale thermique exploitant l'eau chaude de l'atoll. Avec un diamètre de 1000 m et une orbite de 2000 km d'altitude, on obtient les flux suivants, pour 5, 10 et 20 miroirs :

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Flux solaire apporté par 5, 10 et 20 miroirs spatiaux à 2000 km d'altitude

Le flux maximal n'a plus la même valeur : il se produit un roulement entre les miroirs. L'atoll voit toujours au moins deux miroirs "briller" dans le ciel.

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Positions des miroirs spatiaux

SAOTEC : Chauffer l'eau d'un atoll, conclusion

La conversion d'énergie solaire et énergie électrique repose sur les technologies des centrales OTEC et l'idée d'augmenter le flux solaire en mettant d'immenses miroirs spatiaux en orbite semble peu convaincante. Les résultats sont frustrants quand on pense à l'énergie solaire qui tombe dans les océans à chaque instant. L'intérêt de cette étude porte sur le raisonnement géométrique et mathématique, la curiosité intellectuelle, l'intérêt pédagogique et pluridisciplinaire du sujet et, peut-être, le désir d'envisager à des créations nouvelles et futuristes.

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Soleil vu depuis l'espace...