Les comptes publics français ont été excédentaires pour la dernière fois en 1974. Depuis, ils n’ont jamais cessé d’être déficitaires. Le déficit des comptes publics se définit comme l’écart entre les dépenses et les recettes des APU. APU est une abréviation utilisée pour désigner les administrations publiques : l’État, pour l’essentiel, plus la sécurité sociale et les administrations publiques locales. En 2015, le déficit des administrations publiques est de 6,3% des dépenses publiques. Autrement dit, 6,3% des dépenses des administrations publiques ont été financées en 2015, non par des recettes publiques, mais par des emprunts. Si, au lieu de comparer les dépenses publiques (56,8% du PIB) aux recettes publiques (53,2% du PIB), on les compare aux prélèvements obligatoires (44,5% du PIB), l’écart atteint 21,7% de la dépense publique. On mesure habituellement le déficit des comptes publics – c’est moins impressionnant – en le rapportant au Produit Intérieur Brut (PIB). Cette même année 2015, il a été ramené (grâce à une baisse des taux d’intérêt) à 3,6%, après une prévision, réalisée en cours d’année, qui l’établissait à 3,8%.

Ce déficit inquiète nombre de responsables depuis longtemps. Le 22 septembre 1976, dans une allocution télévisée sur TF1, Raymond Barre, alors Premier ministre, déclara : « La France vit au-dessus de ses moyens ». Le déficit des comptes publics était cette année-là de 1,5% du Produit Intérieur Brut. Raymond Barre réussit à le ramener à 0,3% en 1980. Mais le deuxième choc pétrolier et les dépenses nouvelles engagées par le gouvernement Mauroy firent passer ce déficit à 3% du Produit Intérieur Brut. Le « tournant de la rigueur » de 1983 et la reprise de la croissance permirent de le stabiliser, mais sans véritablement le réduire. Les récessions de 1992 et 2001 le firent repartir à la hausse. En 2004, le déficit des comptes publics dépassait encore 3% du Produit Intérieur Brut. Le 21 juin 2005, dans une interview sur FR 3, Thierry Breton, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, déclara une nouvelle fois, comme Raymond Barre 29 ans auparavant : « La France vit au-dessus de ses moyens ». Il réussit à ramener le déficit à 2,9% du PIB en 2005 et à 2,5% l’année suivante. Le budget de l’État connut même un excédent primaire (c’est-à-dire une dépense publique, déduction faite des charges de la dette, inférieure aux recettes). Mais, à partir de l’été 2007, l’éclatement de la crise des subprimes provoqua une récession suivie d’un accroissement considérable du déficit des comptes publics (jusqu’à 7,5% en 2009). En 2015, malgré le redémarrage de la croissance en Europe, le déficit des comptes publics français (autrement dit : des administrations publiques) se montait encore à 3,6% du Produit Intérieur Brut.

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Il ne faut pas confondre déficit commercial et déficit des administrations publiques. Ce sont deux déficits différents, qui sont souvent corrélés l’un avec l’autre, en raison du poids atteint par les dépenses publiques à l’intérieur du Revenu National Brut. En France, le commerce extérieur est en déficit depuis 2005. Le déficit commercial est l’écart entre les importations de biens et services venant du reste du monde et les exportations de biens et services vers le reste du monde. Cet écart est strictement identique à l’écart entre la Dépense Nationale Brute et le Revenu National Brut. On peut écrire : Dépense Nationale Brute + cessions nettes de biens et services au reste du monde = Revenu National Brut. Autrement dit, si le poste « cessions nettes de biens et services au reste du monde » est négatif, la Dépense Nationale Brute du pays est supérieure à son Revenu National Brut.

Dépenser plus que l’on ne produit n’est possible que si l’on s’endette. Les dettes (dettes des administrations publiques, dettes des entreprises, dettes des ménages) ne peuvent s’accumuler indéfiniment sans faire peser des charges croissantes de paiement des intérêts. La poursuite de leur accroissement risque aussi de provoquer chez les créanciers la crainte de n’être jamais remboursés et le refus de nouveaux prêts. En 2016, l’endettement accumulé depuis 1975 par les administrations françaises est à peu près du même montant que le Produit Intérieur Brut tout entier. Autrement dit, il faudrait que les Français travaillent durant un an en reversant tous leurs revenus aux créanciers de leurs administrations publiques, pour pouvoir tout rembourser d’un coup. Certes, il est possible de contracter de nouveaux emprunts pour rembourser les anciens prêts qui sont arrivés à échéance. Mais les banques créancières et les institutions internationales (Commission Européenne, Fonds Monétaire International) exercent sur la France une pression de plus en plus insistante pour que le taux d’endettement de ses administrations publiques diminue. Il faudra donc tôt ou tard stabiliser les dettes accumulées, voire en diminuer le total, et, dans ce cas, se mettre à dépenser moins que ce que l’on produit.

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Mal dirigés, les plus grands navires peuvent couler un jour

Dans le cas des pays en développement, une possibilité de contenir l’endettement peut être trouvée de trois manières: l’aide extérieure sous forme de dons (mais celle-ci risque de s’assortir de conditions politiques), les investissements directs étrangers (mais ceux-ci créent une dépendance économique) et les fonds envoyés à leurs familles par les émigrés (mais ceux-ci baissent à mesure que les émigrés s’enracinent dans les pays d’accueil).

Voir : L. ZOUYA MIMBANG, Initiation à la politique de développement, Editions Universitaires Européennes, 2015.