Se soumettre, être victime, se plier aux autres sont autant de façons d’exprimer qu’on subit ce qui se produit dans sa vie : situations professionnelles, relations affectives, problèmes matériels, etc. Mais cela n’est pas une fatalité et même s’il n’existe pas de solution toute faite, un certain lâcher prise semble une voie pour moins subir sa vie et mieux la vivre.
On peut avoir l’impression de manquer de liberté, de ne pas décider ce qui se passe et de toujours se plier aux décisions des autres. C’est injuste. Au fond, qui a le droit de me dicter ma vie ?
Subir sa vie, quand les autres décident pour moi
Dans des situations professionnelles de travail d’équipe, des décisions collectives, entre amis ou en famille, on peut avoir l’impression de n’avoir jamais son mot à dire, que ce sont les autres qui décident.
Créations de projets : confrontations ou collaborations ?
On n’est jamais leader, les rares fois où on a voulu l’être, ça s’est si mal fini qu’on y a progressivement renoncé. On pourrait dire « c’est comme ça, c’est tout, je n’ai pourtant rien fait de mal ! » Ce sont toujours les autres qui choisissent… Il y a dans ce propos une fatalité, les contraintes semblant être extérieures à nous : l’Etat et sa fiscalité, les administrations en tous genres, les collègues, le frère, etc… Nous avons le sentiment intense et douloureux que le monde est hostile.
Lorsqu’on subit sa vie, les rapports qu’on entretient avec les autres sont souvent sources de désagrément. Il s’agit de confrontations d’où nous ressortons perdants, et nous supposons déjà que l’autre va chercher à nous donner tort ou faire le choix contraire au nôtre. Ce serait presque une forme d’égoïsme que de défendre ses idées au détriment de l’autre et d’un certain bien commun ou intérêt collectif.
De nombreuses situations de ce genre ont certainement compté parmi les mauvais moments de votre vie. Frustration, sentiment d’injustice, absence de reconnaissance nourrissent l’idée que décidément, vous subissez votre vie.
Sans oublier que personne n’a choisi sa famille, son lieu de naissance, l’époque où nous vivons, l’époque terrible où nous devons vivre. Et puis il y a notre personnalité, ce qu’on n’aime pas chez nous, et tout ce que nous ne contrôlons pas. Ca, c’est ce qui ne dépend pas de nous.
Maîtriser les événements de sa vie
On pourrait croire que lorsqu’on maîtrise sa vie (ou plutôt qu’on en a le sentiment), on ne subit plus ce qui se passe. Je décide et je fais ce que je veux, qui m’aime me suive ! Pourtant, on a rarement envie de finir seul dans ses caprices, tel un dictateur que plus personne ne veut suivre. Pour ne plus subir sa vie, le sentiment de contrôle semble un remède puissant, apportant une impression de liberté. Mais il reste peut-être l’angoisse au fond de nous, le collègue qu’on soupçonne de parler dans notre dos, l’époux peut-être infidèle, l’enfant malade, le cambrioleur qui menace déjà nos précieux meubles ou le volcan voisin qui pourrait balayer notre village…
Dans la précarité vient pourtant l’espoir d’un monde meilleur…
Pourtant, il arrive des cas où des événements imprévus surviennent : une grève de train, la hausse imprévue d’un loyer, ou encore une très bonne nouvelle, la découverte d’un lieu enchanteur, l’obtention d’un nouvel emploi, ou la lecture de cet article !
Maîtriser sa vie en possédant
Les biens que nous possédons et que nous croyons être nos richesses peuvent susciter de l’angoisse : la peur de laisser sa toute nouvelle voiture sur un parking, la crainte d’un placement financier trop risqué, etc. La maîtrise des biens matériels n’est jamais certaine. C’est ainsi que Jean de la Fontaine écrit la fable « Le savetier et le financier », où le financier apparaît anxieux et peu joyeux alors que le savetier, qui ne possède rien, est gai et chante « du matin jusqu’au soir ». Il n’a rien à perdre alors qu’au contraire, « les choses qu’on possède finissent par nous posséder ».
Les bénéfices secondaires
Subir sa vie, c’est aussi cultiver la plainte d’être victime. Les malheurs que je vis, je n’en peux rien et j’en souffre. Le ressenti de souffrance est certainement sincère et vrai pour la personne mais parfois, on s’exprime sur le ton de la plainte et sans s’en rendre compte, cela devient un mode de communication avec les autres. Tout comme la maladie où il est possible de se complaire inconsciemment, le fait de subir sa vie présente l’avantage de se déresponsabiliser : « je n’y peux rien, ce sont les autres qui… » On comprend donc l’existence des bénéfices secondaires à se placer en victime de sa vie, des autres et de tout. La victimisation, ça a du bon mais on ne se l’avoue pas !
Avoir confiance
Le manque de confiance en soi et dans les autres est paralysant pour votre vie. Que ce soit la peur de prendre l’avion, d’avoir un accident, de rater un entretien d’embauche, il s’agit probablement de ce manque de confiance. Mais plus largement, une certaine sagesse consiste à avoir confiance dans la vie, dans l’univers que nous habitons. On peut appeler cela l’abandon, ou encore le lâcher prise ou la quiétude. Pour citer la Bible qui énonce aussi un principe de lâcher prise quand l’angoisse du lendemain inconnu nous tiraille : « Ne vous inquiétez donc pas du lendemain; car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine. » (Matthieu 6:34). Le lâcher prise consiste à ne plus avoir peur de ce lendemain qu’on imagine dangereux et hostile, avec son lot de problèmes et de douleurs.
Confiance retrouvée dans l’avenir
Nous pouvons imaginer que nous conduisons sur une route par temps de brouillard. On ne voit que le virage qui arrive, pas plus loin. Mais cela n’empêche pas d’avoir confiance que la route continue et on pourra ainsi parcourir des dizaines de kilomètres tranquillement. Mieux vaut vivre aujourd’hui que gâcher aujourd’hui avec la peur de demain.
Tracer quelques lignes de sa vie
Rares sont peut-être ceux qui se voient dans dix ou vingt ans avec précision et en effet, il n’est pas possible de prédire aujourd’hui ce qui nous arrivera dans les dix ou vingt prochaines années. Mais est-ce une raison pour s’angoisser ? Non. Il n’y a aucune raison pour que demain soit pire qu’aujourd’hui. J’ai suffisamment confiance en moi pour savoir que je suis capable d’agir positivement, j’ai assez confiance dans les autres pour ne pas m’imaginer qu’ils me veulent du mal. Lorsqu’on se montre méfiant vis-à-vis des autres, Ils peuvent ressentir cette méfiance et adopter une attitude qui nous semblera moins avenante. Si au contraire, on part de l’idée que les voisins (encore inconnus) sont gentils et agréables, on se présentera à eux sous un air détendu et on découvrira des personnes sympathiques lors d’un apéro à la maison. Cela pourrait être un exemple de prophétie auto réalisatrice. Personnellement, je préfère les voisins gentils et sympas !
Accepter et lâcher prise
Etant donné que nous vivons toujours en lien avec d’autres personnes et dans un cadre donné (un lieu, un rapport affectif, un contexte juridique ou professionnel, etc), on ne peut pas avoir une maîtrise totale de sa vie. On ne peut pas décider de ce qui se produit autour de nous et certains événements impondérables nous heurtent, nous blessent et nous pouvons lutter contre. Si nous souhaitons tout maîtriser, nous nous condamnons à l’angoisse : et demain, que va-t-il encore arriver (de mal, bien sur) ?
Mais nous pouvons aussi tenter d’accepter l’imprévisible, de l’accueillir intérieurement et découvrir ce qui se passe en nous. Souvent, on gagne à se poser la question « que se passe-t-il en moi ? » ou encore « qu’est-ce que je ressens », par exemple face au propos de quelqu’un qui nous a blessé(e) ou mis(e) à rude épreuve. Je ne maîtrise pas ce que l’autre me dit ou l’inondation de ma maison, mais je peux tenter de maîtriser ce que je ressens, les émotions que cela déclenche.
Joie lumineuse d’un ciel clair
Arthur Schopenhauer affirme que l’homme peut parvenir à un état « de calme véritable et d’arrêt absolu du vouloir ». Cette sagesse est inspirée de la philosophie hindoue. Il s’agit d’une véritable libération intérieure qui s’appuie sur la suspension de la volonté. Et chaque expérience positive qui nous aura montré que le pire n’est pas toujours sur, même dans l’inconnu, nous confortera dans l’idée que le lâcher prise est bénéfique. Rien de grave n’arrive et nous entrons dans notre vie avec joie et légèreté, tantôt dans l’acceptation de contraintes extérieures qui nous nourrissent aussi, tantôt en pouvant suivre ses convictions intimes. Schopenhauer écrit « l’homme peut certes faire ce qu’il veut mais il ne peut pas vouloir ce qu’il veut ». L’apaisement vient de la libération de ses désirs égoïstes.
Responsable de sa vie ou passif ?
Par une lecture un peu rapide, on pourrait croire qu’il ne faut rien faire et ne se fixer aucun but dans sa vie. Cet abandon au réel et ce lâcher prise ne veut dire pour autant qu’il faut rester totalement passif. D’un certain point de vue, nous ne sommes que disposés à entendre, à capter, à recevoir, Tout cela est donné et nous n’y pouvons rien. Les objets qui nous entourent, nous ne les avons pas fabriqués et pourtant ils sont là, à notre disposition. Les savoirs de notre époque, nous les utilisons et nous n’avons pourtant rien inventé. Einstein a écrit sur ce ressenti intime et puissant : « Par l’expérience quotidienne, concrète et intuitive, je me découvre vivant pour certains autres… Je voudrais donner autant que je reçois et je ne cesse de recevoir« .
« Je ne cesse de recevoir »
On peut s’émerveiller de cette générosité de l’univers. C’est l’ensemble de notre vécu, les personnes que nous avons rencontrées, les pensées mais aussi nos lectures et nos réflexions (alimentées par les échanges avec les autres) qui font celui ou celle que nous sommes aujourd’hui. Mais nous ne devons pas cela qu’à nous-mêmes, mais plutôt à cette disposition d’esprit qui a fait qu’à tel moment, nous avons été à l’écoute de telle personne, que tel propos a fait écho en nous, que nous nous sommes laissés interpeller par telle idée, telle musique ou telle saveur. Etre intérieurement dans l’accueil des événements extérieurs, c’est au contraire s’impliquer complètement dans sa vie.
Mot de la fin
La victimisation est le propre de ceux et celles qui subissent leur vie. Leur souffrance est bien réelle face aux aléas, aux relations, aux événements imprévus qui sont source d’angoisse. Le sentiment de maîtrise de sa vie permet de moins la subir mais on ne peut pas contrôler les réactions d’autrui ni tout ce qui ne dépend pas de nous.
Une autre approche repose sur le lâcher prise avec la réalité. Etre dans une collaboration plutôt que dans l’affrontement, s’engager dans des choix et des relations avec sérénité plutôt qu’avec angoisse, avoir confiance de façon positive sont des moyens de parvenir au bien-être de la quiétude. Le lâcher prise nous permet de vivre en paix les événements, les situations, accueillir l’autre et les imprévus en disant « oui » à la vie, à notre vie.
Et vous, quel sera votre chemin ?
Je ne suis pas tout à fait d’accord accueillir l’événement ok mais laisser les gens décider de tout non à un moment donner il faut s’imposer face aux autres.