Dans un ampli classe D stéréo, on peut entendre un sifflement gênant et variable dans les haut-parleurs (« beat tone »). Ceci peut être dû au phénomène d’intermodulation qui se manifeste lorsque les deux canaux de l’ampli classe D ne fonctionnent pas tout à fait à la même fréquence. La différence des fréquence se fait entendre de façon audible (un sifflement présent dans les deux haut-parleurs) et la solution consiste alors à synchroniser les amplificateurs ensemble.
D’où vient cette différence de fréquence, le « beat tone » ?
L’exemple peut se produire avec un ampli classe D auto oscillant reproduit à deux exemplaires pour réaliser un ampli stéréo. Chaque canal trouve sa fréquence d’oscillation propre, liée aux valeurs des condensateurs et à la résistance de l’intégrateur (C5a, C5b et R19) et aux retards de propagation dans l’étage de commande des transistors Mosfet T1 et T2. Le filtre LC (L1 et C13) n’a pas d’influence car il ne fait pas partie de la boucle de contre réaction (R6 qui part des transistors et qui revient sur l’entrée inverseuse de U1b.
Si l’ampli classe D est basé sur une fréquence fixe (cadencée par condensateur et résistance externes CT et RT), chaque oscillateur aura aussi une fréquence légèrement différente.
On peut donc imaginer que le canal A fonctionne à 255 kHz et que le canal B fonctionne à 257 kHz au repos. Cela ne semble pas poser de problème, et pourtant…
Intermodulation, une définition simple
Imaginons deux signaux de fréquences différentes f1 et f2. L’intermodulation décrit l’apparition de signaux de nouvelles fréquences égales à un certain nombre de fois f1 + ou – un autre nombre de fois f2 (nf1 +/-mf2, n et m étant entiers). En particulier, il apparaît la différence f1 – f2.
L’intermodulation en pratique dans l’ampli classe D stéréo
Lorsque les 2 canaux de l’ampli classe D fonctionnent (à des fréquences proches mais différentes), on peut entendre une sorte de sifflement (audible !) dont la fréquence correspond à la différence des fréquences du canal A et du canal B. Par exemple :
- canal A : 255 kHz
- canal B : 257 kHz
- fréquence du sifflement : 2 kHz (= 257 kHz – 255 kHz)
Suppression du phénomène d’intermodulation
Synchroniser les amplis classe D pour supprimer l’intermodulation
Une solution efficace pour supprimer ce bruit parasite gênant est de synchroniser les deux amplis. Si les deux canaux ont la même fréquence de fonctionnement, il n’y a plus de sifflement dû à l’intermodulation !
Condensateur de couplage
Il s’agit ici d’amplis classe D auto oscillants. On peut jouer sur les valeurs des composants pour ajuster leurs fréquences mais en fonction de la dérive en température, la fréquence de chaque canal aura tendance à varier légèrement. On peut aussi créer un oscillateur de fréquence voisine de la fréquence naturelle d’auto oscillation pour cadencer les deux amplis (les deux canaux) qui prendront donc la fréquence de l’oscillateur externe. Mais le plus simple est qu’un canal cadence l’autre en lui imposant sa fréquence. Il y a un compromis à trouver sur cette façon de synchroniser :
– influence trop forte : l’ampli qui impose sa fréquence l’impose trop et empêche le bon fonctionnement de l’autre ampli (qui doit vivre sa vie pour amplifier son entrée à lui)
– influence trop faible : autant de rien faire !
Il y a donc un compromis à trouver sur les valeurs. Voici un exemple :
Synchronisation d’un ampli classe D par un autre ampli (ici, sur un schéma auto oscillant)
Sur ce schéma, la sortie du canal B (un signal carré qui vaut tantôt +Vcc tantôt -Vcc) est envoyée sur l’intégrateur du canal A via Ri et Ci en série. Ri et Ci doivent être dimensionnés de telle sorte que :
– Ri et Ci forment un filtre de fréquence de coupure supérieure à 20 kHz
Le but est que le signal audio amplifié par le canal B ne passe pas dans le canal A par Ri et Ci.
– Ri doit être aussi grand que possible pour ne pas trop déranger le fonctionnement naturel du canal A (qui se « fait » synchroniser par l’autre)
Ri et Ci n’apportent qu’un transitoire de courant à chaque changement de niveau de la sortie du canal B (à la fréquence de fonctionnement du canal B). Ces transitoires favorisent le basculement de l’intégrateur du canal A. Ils lui donnent une petite « pichenette » dosée par la valeur de Ri. Cela fonctionne parce que les fréquences naturelles des deux amplis sont proches. Le canal B fonctionne à sa fréquence naturelle et cadence le canal A.
On peut librement choisir le canal A ou B pour synchroniser l’autre, il n’y a pas de préférence.
La synchronisation fonctionne lorsque les amplis sont au repos (oscillation et découpage des transistors de sortie, mais pas de signal d’entrée) ou presque (un tout petit peu de musique). Lorsque le signal audio à reproduire est grand, les fréquences de fonctionnement sont différentes mais cela ne gêne pas, l’intermodulation étant couverte par le signal audio : la musique est beaucoup plus forte que le sifflement éventuel.
Empiriquement, toute valeur de Ri de 680 kOhms à 3,3 MOhms fonctionne bien, ainsi que Ci de 1pF environ jusqu’à 10 pF. Si Ci a des valeurs plus grandes, les fréquences audio (inférieures à 20 kHz) vont passer et le canal B donnera le son du canal A (le gain canal B/canal A étant alors égal à -R6/Ri). Ce n’est pas souhaitable.
Réalisation d’une carte d’alimentation à découpage + ampli classe D 2 x 300 W stéréo synchronisés
Cette carte est au format compact de 13 x 15 cm et comprend deux amplis classe D de 300 Wrms à 4 Ohms chacun.
Ampli classe D avec son problème d’intermodulation résolu
En pratique pour Ci, on peut même torsader une paire de petits fils sur quelques centimètres, chacun des deux fils formant une borne de Ci (ordre de grandeur : picofarad). En choisissant une valeur de 2,2 pF, on s’assure que Ci a une valeur suffisante.
Si on souhaite synchroniser les 2 canaux d’ampli classe D par un oscillateur externe, on peut suivre la recommandation du fabricant International rectifier :
Oscillateur externe pour synchroniser un ampli classe D auto oscillant (AN1138 de IR)
Amélioration du problème d’intermodulation
On peut aussi minimiser l’intermodulation entre ces amplis classe D par différentes modifications :
– réduire les valeurs R5, R8 et R7 (10 k vers 2,7 k par exemple) dans le translateur de niveau.
Réalisation pratique d’une synchronisation
La synchronisation des amplis classe D permet de réaliser un ampli classe D stéréo sans être gêné par le sifflement dû à l’intermodulation. Si l’ajout de Ri et Ci ne suffit pas, il faut réduire la valeur de Ri jusqu’à 470 kOhms et augmenter Ci jusqu’à 10 pF. Si le sifflement est alors toujours présent dans les haut-parleurs, le problème vient d’ailleurs (intermodulation entre canal d’ampli classe D et fréquence d’alimentation à découpage voisine). Dans ce cas, l’alimentation à découpage vient parasiter l’ampli classe D : on peut tenter d’améliorer le problème en ajoutant des blindages pour protéger les étages sensibles de l’ampli (U1a, U1b, T3 eu U2).
Mot de la fin
On ne peut pas supprimer l’intermodulation, mais on peut la réduire. Pour éliminer les sifflements (« beat tone ») dus à cela, on peut synchroniser les deux amplis classe D au repos, un ampli synchronisant l’autre.
L’ajout de ces deux composants permet de synchroniser un ampli classe D sur l’autre, ce qui élimine le phénomène d’intermodulation tout en garantissant l’indépendance de chaque ampli en termes de son reproduit. Les valeurs de Ri et Ci peuvent être ajustées dans une large plage de valeurs.
On ne peut pas supprimer l’intermodulation, mais on peut déjà réduire le phénomène, c’est-à-dire rendre chaque canal plus robuste à ce phénomène (moins sensible, moins vulnérable). Et par dessus tout, synchroniser un ampli sur l’autre, pour qu’ils fonctionnent à la même fréquence au repos. Grâce à cela, le sifflement audible dans les haut-parleurs disparaît.
Références sur les « beat tone » liés à l’intermodulation des amplis classe D stéréos :
Synchronisation des amplis classe D stéréo :
https://www.nxp.com/docs/en/data-sheet/TDA8950.pdf
http://www.irf.com/technical-info/appnotes/an-1138.pdf
Bonjour, en effet, on peut synchroniser la partie d’ampli bridgée (en opposition de phase par rapport à sa propre voie) et par exemple les amplis entre eux (les amplis en phase des deux canaux). Ce qui fait donc 3 liaisons pour condensateur et résistance pour synchroniser les 4 parties d’ampli. Quant à l’oscillateur externe, cela ne correspond pas au fonctionnement auto oscillant pour les grandes amplitudes, mais on peut imaginer de synchroniser à une fréquence proche de la fréquence d’auto oscillation mesurée au repos (sans musique) par un couplage via condensateur de même type.
Bonjour Stéphane,
Et qu en est il d un montage en pont ?
Faut il synchroniser maitre esclave pour chaque voie ( ou chaque module ampli du pont par rapport a l autre de sa propre voie) et ensuite l ensemble d une voie sur l autre voie ?
bien qu etant relier par la contre reaction, il devrait etre a la meme frequence !.
Un oscillateur externe n est il pas plus simple dans ce cas ?
Et dans ce cas, quel amplitude devrait avoir l oscillateur externe ?