Voici un schéma d’ampli classe D puissant et facile à réaliser. C’est la version la plus simple qu’on peut proposer pour un ampli de cette puissance, idéale jusqu’à 300 Watts efficaces environ avec une tension d’alimentation qui peut aller de +/-30 V à +/-60 V.

Voici le fonctionnement et le schéma de cet ampli classe D, basé sur un IR2184 et un fonctionnement auto oscillant.

Schéma de l’ampli audio classe D 300W

Voici le schéma complet de l’ampli tant attendu :

Ampli classe D 300 W RMS : le schéma

Principe de fonctionnement de l’ampli classe D

Il s’agit d’un ampli classe D auto oscillant. Cela évite la partie oscillateur et permet un excellent rendement grâce à la variation de fréquence en fonction de la tension de sortie. Chaque partie du schéma de l’ampli est détaillée selon les fonctions :

Schéma de principe de l’ampli classe D auto oscillant

Etage d’entrée de l’ampli classe D

Cet étage est facultatif, mais tout de même vivement conseillé pour fixer l’impédance d’entrée. U1a est un ampli op ultra standard monté en inverseur. R1 et C1 forment un filtre passe haut de fréquence de coupure 7 Hz. R1 fixe l’impédance d’entrée de l’ampli classe D à 22 k. R2 fixe le gain de ce premier étage à -R2/R1 = -47 k/22 k = -2,1. Aucune valeur n’est critique, on peut choisir toute valeur de 22 k à 100 k pour R2. C2 forme un filtre passe bas qui réduit les hautes fréquences parasites éventuelles. Sa fréquence de coupure est définie avec R2 : 1/(2.pi.R2.C2) = 34 kHz

Il faut donc ajuster C2 en fonction de R2.

Ce premier étage permet de fixer l’impédance d’entrée librement.

Intégrateur inverseur de l’ampli classe D

L’intégrateur est le coeur de l’ampli classe D présenté ici sur Astuces pratiques. C3 élimine la composante continue en sortie de U1a et forme à nouveau un filtre passe haut avec R3 : 1/(2.pi.R3.C3) = 3,4 Hz. C3 peut aller de 2,2 uF à 10 uF sans problème.

C4 réduit la distorsion d’intermodulation que peut générer l’intégrateur U1b. En effet, le signal carré revient à l’intégrateur par R6. On peut utiliser l’ampli sans monter C4, mais on le rencontre fréquemment dans ce type de conception d’ampli classe D. Par ailleurs, il influence un peu la fréquence d’auto oscillation (C4 = 1 nF : 255 kHz, C4 = 0 nF : 330 kHz).

R6 définit le gain de l’étage intégrateur avec R3. Le gain vaut -R6 / R3. Au delà de 150 k pour R6, l’ampli devient instable. R3 représente l’impédance d’entrée de l’intégrateur et est assez faible, d’où l’intérêt de l’étage d’entrée basé sur U1a.

Certains montages comportent un filtre RC (quelques kOhms et 10 pF à 100 pF typiquement) pour limiter le « bruit » (fronts raides de la tension issue des transistors) qui arrive à l’intégrateur via R6 et ainsi limiter la distorsion d’intermodulation. Sans ce filtre, l’ampli fonctionne très bien. Par simplicité, il n’est pas mis en place.

R4 protège l’entrée inverseuse de l’intégrateur U1b en cas de défaut. En effet, si la tension de sortie sature, cette entrée se retrouverait au potentiel d’alimentation (via T1 ou T2 puis R6). R4 forme donc un pont diviseur avec R6 et limite ici à +/-6 VDC la tension maximum possible sur l’entrée inverseuse. On peut remplacer R4 par 2 diodes 1N4148 tête bêche, mais une seule résistance, c’est plus simple !

En fonctionnement normal, la tension à l’entrée inverseuse oscille est un créneau de +/-100 mV environ et R4 est inutile (l’ampli fonctionne sans R4).

Si on diminue R4 (jusqu’à 1 k), on augmente l’offset en sortie. Le comportement intégrateur est dégradé. A +/-50 VDC d’alimentation, on mesure l’offset en sortie :

R4 = 10 k : 6 mV

R4 = 2,2 k : 36 mV

R4 = 1 k : 71 mV

On a intérêt à mettre la plus grande valeur possible pour R4, mais tout en limitant à +/-10 V la tension max possible sur l’entrée inverseuse. 10 kOhms est un bon compromis.

C5 est le condensateur de l’intégrateur. Sa valeur influence largement la fréquence d’oscillation (fonctionnement de l’ampli classe D). A +/-50 VDC, on mesure :

C5 = 220 pF : 255 kHz

C5 = 470 pF : 236 kHz

C5 = 1 nF : 164 kHz

En réalité, la « lenteur » naturelle de l’ampli op TL072 réduit aussi la fréquence. C’est pour cela que la fréquence plafonne en dessous de 300 kHz, mais cela est suffisant pour un ampli classe D. L’ampli op utilisé en intégrateur n’a pas besoin d’être très rapide, l’ampli op économique standard TL072 le montre bien.

Il n’y a pas besoin de mettre de résistance en parallèle avec C5 ni de diviser C5 en 2 condensateurs en série avec point milieu à la masse via une résistance (intégrateur du second ordre présent sur certains schémas d’amplis classe D). Ce montage intégrateur simple suffit.

La tension de sortie de l’intégrateur est un triangle qui va de +1,0V à +4,2 V environ avec C5 = 220pF. Son alimentation +/-8V suffit largement en termes de valeur.

Gain (en tension) de l’ampli classe D

Le gain de l’ampli est défini par 2 éléments successifs : l’ampli basé sur U1a et l’intégrateur.

Gain de l’ampli U1a : -R2 / R1 = -47 k / 22 k = -2,14

Gain de l’intégrateur : -R6 / R3 = -100 k / 4,7 k = -21,3

Le gain total de l’ampli classe D vaut donc -2,13 x (-21,3) = 45

Ce schéma d’ampli ne propose qu’une valeur possible. Si on souhaite la modifier, il faut ajuster R2.

Translateur de niveau de l’ampli classe D

Le transistor PNP T3 permet de « décaler » la tension de sortie de l’intégrateur de la masse à -Vcc (level shifter). En effet, le courant qui traverse R5 est égal (au courant de base près) au courant qui traverse R7. Or R5 = R7, donc les tensions aux bornes de R5 et R7 sont égales. On retrouve aux bornes de R7 la tension de sortie de l’intégrateur, à Vbe près (erreur de 0,6V environ). Comme il s’agit d’un signal triangulaire, il n’y a pas besoin d’un transistor très rapide en commutation. Le potentiel de son collecteur varie peu et par ailleurs, T3 ne sature jamais en fonctionnement normal, ce qui favorise sa rapidité de fonctionnement.

R6 limite le courant qui peut rentrer dans la broche 1 (IN) du IR2184 dans le cas où T3 serait tout le temps conducteur (saturation de l’ampli U1b ou défaut éventuel).

Sa principale contrainte est de supporter au moins Vce = Vcc (60 V). On peut choisir le classique 2N5401 (150 V, 600 mA, 625 mW) ou un MPSA92 pour ce translateur de niveau pour ampli classe D.

Commande des transistors de puissance : le driver IR2184

Les transistors sont pilotés en opposition de phase avec un temps mort (0,4 us environ). Un circuit intégré spécifique permet une commande très facile des 2 transistors de l’ampli. Il s’agit du IR2184 de International Rectifier. C’est une commande pour demi pont (half bridge driver).

Brochage du IR2184 pour l’ampli classe D

Si son entrée IN est à 0 V par rapport à sa patte COM (patte 3 qui est à -Vcc), T2 est passant, T1 est bloqué, ce qui assure un niveau de sortie bas (-Vcc) à la sortie (borne gauche de L1) des transistors.

Si son entrée IN est entre 3 V et 5 V par rapport à sa patte COM, T2 est bloqué, T1 est passant (mais ne peut le rester que 10 ou 20 ms parce que sa commande est alimentée par le condensateur de bootstrap C12). Si IN reste de façon permanente à 5 VDC, T1 et T2 sont bloqués et le système n’oscille pas. La sortie (borne gauche de L1) des transistors est alors à 0 V (relié à la masse via R4 + R6 ou le haut parleur).

Le IR2184 est alimenté en 12 V (entre 10 V et 15 V) et consomme environ 30 mA en fonctionnement à 250 kHz avec les transistors IRFB4620 comme « charge ».

Condensateur de bootstrap : attention à la surtension

D4 et R13 permettent la charge de C12 (condensateur de bootstrap). Ce condensateur alimente la commande de T1 lorsque T1 est passant. T1 ne peut rester passant que quelques dizaines de millisecondes, mais c’est très suffisant pour l’ampli de classe D. R13 évite que C12 et D5 ne se comporte comme un détecteur de crête, ce qui risquerait de surcharger C12 (bootstrap capacitor overload) au delà de 20 V et détruire le IR2184. R13 joue donc un rôle de protection.

Ce phénomène de surcharge de C12 et destruction possible du IR2184 est due à la tension négative transitoire à la source de T2 à cause de l’inductance parasite en série avec la source de T2 (à l’ouverture de T2). Un placement et un routage appropriés doivent être faits soigneusement sur cette partie sensible. Le IR2184 doit être placé au plus près de T1 et T2, eux-mêmes très proches l’un de l’autre. Le courant de « puissance » (entre source de T2 et alimentation négative -Vcc) ne doit jamais passer par les pistes qui relient la patte 3 du IR2184 à la source de T2.

Par ailleurs, les condensateurs C31 à C35 doivent être eux aussi montés au plus près des transistors T1 et T2.

Temps mort supplémentaire : commande des transistors

Pour diminuer les pertes par commutation des transistors de l’ampli classe D, les ensembles R11-D1 et R12-D2 sont utiles. Les diodes permettent une ouverture rapide des transistors mosfet grâce à une décharge rapide des capacités de grille. Le IR2184 peut délivrer un courant supérieur à 1A pour cela. R11 et R12 jouent un peu sur le temps mort supplémentaire qu’on souhaite donner. Le IR2184 possède déjà une commande de temps mort fixée à 0,4 us environ.

Fonction shutdown du IR2184

Si le routage de l’ampli n’est pas optimal et/ou que le fonctionnement de l’étage de sortie à forte charge est perturbé par des oscillations parasites, il se peut que le son grésille à fort niveau à cause d’interruptions dans le fonctionnement du IR2184. On constate ce phénomène par l’apparition d’une tension moyenne continue (voltmètre en position DC sur la sortie de l’ampli).

Ceci peut être dû à la mise en mode « shutdown » du IR2184 de façon intermittente très rapide. Voilà pourquoi il est conseillé d’ajouter 10nF entre la patte « shutdown (patte 2) et la patte 3 (masse pour le IR2184). Ce dysfonctionnement est résolu par l’ajout de ce condensateur mais peut témoigner de fortes perturbations et surtensions transitoires dangereuses pour le IR2184.

Etage de sortie de l’ampli classe D

Transistors Mosfet : choix

Elémentaire, l’étage de sortie est fait de 2 transistors Mosfet canal N identiques T1 et T2 et des condensateurs de découplage C31 à C35. Les transistors de l’ampli class D sont dimensionnés de la façon suivante :

VDS = 120V (avec +/-60 V d’alimentation, il faut tenir 120 V sans tenir compte des surtensions et ajouter 30% – 40% de marge environ). Choisir donc

Vds = 200 V

ID = 15 A (pire cas : Vcc = 60 V / charge = 4 Ohms)

Choisir un transistor mosfet avec un courant maximum élevé présente l’avantage d’un Rdson faible et ainsi d’une dissipation (pertes de conduction) faible.

Choisir donc ID = 25 A minimum

Cependant, si on surdimensionne beaucoup trop les transistors, la charge de grille Qg est plus grande et dégrade la vitesse des fronts de tension envoyés par le driver IR2184 (qui va charger plus lentement les « grosses » grilles).

Exemples de transistors Mosfet pour ampli classe D

On peut donc retenir le IRFB4620 ou le IRFB5620 : 25 A 200 V 60 mOhms. D’autres mosfet 200 V 20 A à 40 A devraient fonctionner aussi : le STP40NF20 (40 A 200 V 45 mOhms) ou le IRFB31N20D (31 A 200 V utilisé chez Mackie dans l’enceinte amplifiée SRM450) ou le IRFB4227 (65 A, 200 V, 21 mOhms).

Les condensateurs C31 à C35 sont nécessaires pour limiter les surtensions transitoires destructrices (en cas de pleine charge : courants élevés, di/dt élevés et surtensions importantes).

Boucles de courant du demi pont de l’ampli classe D

Cela explique pourquoi C35 est utile et n’est pas redondant avec C31 à C34.

En pratique, la boucle bleue contient les plus hautes fréquences. La surface des 3 boucles présentées ci dessus doivent être minimisées : composants à placer au plus proche.

T1 et T2 doivent être montés sur un petit radiateur (une plaque en alu de 7×7 cm convient). T2 doit être isolé puisque son drain (boitier) est au potentiel variable oscillant « haché ». Le boitier de T1 est au potentiel stable +Vcc (le radiateur aussi si T1 n’est pas isolé).

Référence : Application Note AN-1135 de International Rectifier

Filtre de sortie de l’ampli classe D

Classique, le filtre de sortie est un 2ème ordre LC (L1 C13). R13 et C14 amortissent les surtensions oscillantes dues à la résonance entre L1 et C13 si aucun haut parleur n’est branché. Le filtre est optimisé pour un haut parleur de 8 Ohms mais supporte aussi un haut parleur de 4 Ohms.

L’inductance doit supporter au moins le courant crête de sortie sans saturer. Les inductances à poudre de fer (iron powder) chauffent fort (100°C au repos) à cause des pertes dans le noyau (cycles de magnétisation/démagnétisation) à 250 kHz environ. Ici, l’inductance est à poudre de fer : à part l’échauffement, tout l’ampli fonctionne très bien avec.

Dans les réalisations, l’inductance 1447385C Murata fonctionne bien.

Le filtre de sortie ne fait pas partie de la boucle de contre-réaction. Sa tension de sortie n’est donc pas asservie par l’intégrateur. Ceci permet un montage plus simple, plus stable, mais réduit un peu le facteur d’amortissement de l’ampli.

Réponse en fréquence du filtre de l’ampli classe D à 8 Ohms (avec et sans 220 nF 10 Ohms)

Réponse en fréquence du filtre de l’ampli classe D à 4 Ohms (avec et sans 220 nF 10 Ohms)

Avec un haut parleur de 4 Ohms (ou 2 de 8 Ohms en parallèle), on entend en pratique qu’il y a un manque d’aigus. Le filtre n’est pas tout à fait adapté à 4 Ohms, comme le montre la simulation (simulation faite avec le logiciel gratuit LTSpice).

Démarrage de l’ampli classe D

On a vu que si l’entrée « IN » du IR2184 est au niveau haut de façon statique, T1 et T2 sont bloqués (C12 étant déchargée et D4 bloquée).

Il faut faire arriver un signal de quelques millivolts (un tout petit peu de musique) à l’entrée de l’ampli classe D pour que l’auto oscillation démarre. Si on ajoute une résistance de quelques Mégohms en parallèle avec C5 pour éviter la saturation de l’intégrateur, il ne se passe que des tentatives de démarrage ratées. Rien ne vaut un peu de musique pour lancer et établir l’oscillation. Ce phénomène est dû au blocage de T1 et T2 à la fois en régime statique établi (sortie de l’intégrateur bloquée à +7,4 V, et IN au niveau haut, autour de 5,2 V par rapport à -Vcc).

L’ampli démarre spontanément si +Vcc s’établit après -Vcc, mais ce démarrage est un peu tordu (réalisable avec une double alim stabilisée de labo).

En utilisation habituelle d’un ampli audio, cela ne pose aucun problème. Cet ampli classe D est simplement en « veille » avant la première toute petite sollicitation musicale.

Alimentation des étages de l’ampli classe D

Pour l’alimentation positive, R20 polarise la zener DZ1. Il faut minimum 4mA pour alimenter U1 en fonctionnement. On peut insérer une LED (couleur au choix !) en série avec R20.

Pour l’alimentation négative, R21 crée les 2 alimentations avec DZ2 et DZ3. Même s’il ne faut que 4 mA pour U1, U2 demande environ 30 mA. C’est pourquoi R21 ne fait « que » 1 kOhm. On peut choisir 680 Ohms ou 820 Ohms en version 5 W sans problème, ce qui permet à l’ampli de fonctionner encore à des tensions plus faibles (+/-35 VDC).

Premier prototype d’ampli classe D avec IR2184

La toute première réalisation de cet ampli classe D a permis d’ajuster les valeurs de chaque composant, et de prouver qu’un ampli classe D est assez facile à réaliser avec un circuit intégré commande de demi pont (IR2184). Quelques images de l’ampli classe D

Maquette d’ampli classe D avec transfo 2 x 40 V (+/-56 VDC)

Le module d’ampli classe D : vue de dessous

Le module d’ampli classe D : vue de dessus

On reconnaît sur cette maquette d’ampli classe D :

– 2 condensateurs 4700 uF 63 V de filtrage

– Circuits intégrés TL072 (ou TL082) et IR2184

– Résistance 5 W 680 Ohms

– Filtre de sortie

– Condensateur bleu entre +Vcc et -Vcc (470 nF 250 VDC)

– Transistors de puissance IRFB4620, IRFB5620 ou IRFB4615

– Connecteurs

– Composants CMS pour le reste

Caractéristiques

Alimentation : +/-40 V … +/-60 V

Puissance de sortie : 300 W rms à 4 Ohms environ

Pas de ventilateur : refroidissement naturel suffisant à pleine puissance sur 4 Ohms (charge fictive résistive) !

Conclusion

L’ampli classe D se laisse réaliser facilement grâce à la commande de l’étage de sortie. C’est étonnant de voir comme les transistors de puissance chauffent peu, ce qui permet de réduire considérablement la taille du radiateur et donc de l’ampli à réaliser.