Le driver IR2184 est adapté à la réalisation d’ampli classe D simples et puissants. Vous trouverez ici un schéma et ses explications détaillées sur le fonctionnement d’un ampli classe D de grande puissance et simple à réaliser autour d’un driver de Mosfet IR2184.

Voici donc le schéma de cet ampli classe D qui est auto oscillant.

Principe de fonctionnement de l’ampli classe D

Cet ampli classe D utilise le minimum de composants pour assurer son fonctionnement et sa robustesse. Il repose sur une structure auto oscillante de fréquence variable.

Schéma de l’ampli classe D

Voici le schéma de l’ampli :

Schéma de l’ampli classe D 50 W à 400 W

Etage d’entrée de l’ampli

L’étage d’entrée est basé sur le premier ampli op U1a monté en amplificateur inverseur. Son gain dans la bande passante de l’ampli est défini par -R2 / R1.

R1 définit l’impédance d’entrée (choisir 10 k à 100 k).

R2 définit le gain avec R1. Choisir un gain entre -1 et -5 pour ce premier étage.

C1 supprime la composante continue qui pourrait être présente dans le signal et forme un filtre passe haut de fréquence de coupure fc égale à :

fc = 1 / (2.pi.R1.C1) = 7 Hz

C2 forme un filtre passe bas qui atténue les parasites haute fréquence liés à la fréquence d’oscillation de l’ampli classe D. Il est conseillé de le monter.

fc = 1 / (2.pi.R2.C2) = 34 kHz (choisir un peu au dessus de 20kHz)

Intégrateur d’ordre 2 dans l’ampli classe D

C’est la partie fondamentale de l’ampli classe D. Cet intégrateur ne repose que sur un simple ampli op, le TL072 (U1b). Il est ultra standard et même si la fréquence d’oscillation au repos est de 180kHz environ, l’ampli op n’a pas besoin d’être très rapide (et donc cher et plus rare). Lorsqu’il y a un signal d’entrée, la fréquence d’oscillation tend à diminuer.

Il s’agit d’un intégrateur d’ordre 2 basé sur C5a, C5b et R5a. Pour la simplicité, C5a et C5b sont choisies égales. L’intégrateur se comporte comme un filtre passe bas d’ordre 2 et réduit les parasites audibles de l’intermodulation dans le cas d’un ampli classe D stéréo et / ou d’une alimentation à découpage.

R5a permet d’ajuster un peu la fréquence. Plus R5a est élevée (4,7 kOhms et plus), plus le comportement ressemble à un intégrateur d’ordre 1 (comme si R5a est absente). On ne peut pas choisir R5a en dessous de 300 Ohms environ (fréquence d’oscillation trop basse et instabilité du montage).

Un bon compromis pour R5a se situe vers 1 kOhm. Si on réalise un ampli classe D stéréo avec 2 montages identiques, le bruit audible d’intermodulation vis à vis d’une alimentation à découpage ou d’un canal par rapport à l’autre si les fréquences d’oscillation sont différentes est toujours plus faible avec un intégrateur d’ordre 2. En réalité, tous ces parasites sont à peine audibles dans des enceintes acoustiques avec un intégrateur d’ordre 2, mais ça vaut le coup d’essayer de supprimer R5a pour entendre.

C4 filtre les transitoires à l’entrée de l’intégrateur.

R4 protège l’entrée inverseuse de U1b en cas de défaut (sortie de T1/T2 bloquée à +Vcc ou -Vcc). En effet, l’entrée inverseuse atteint alors la tension suivante :

+/-Vcc x R4 / (R4+R6) (environ 5VDC seulement)

Il s’agit d’un diviseur de tension basé sur R4 et R6. On peut aussi placer 2 diodes 1N4148 en parallèle et montées tête bêche pour limiter à +/-0,6 V la tension. Ici, une résistance est plus simple que 2 diodes.

C3 supprime la composante continue présente en sortie de U1a (+/-10 mV environ). Le gain de l’intégrateur est égal au gain de l’ampli classe D sans l’étage d’entrée et vaut :

-R6 / R3 = -21,3

L’étage d’entrée n’est pas indispensable, mais l’impédance d’entrée de l’intégrateur ne vaut de 4,7k (R3) et est un peu faible. Dans ce cas, l’ampli audio présente un gain négatif et la sortie (+) doit se connecter à la borne négative du haut-parleur. La masse de l’ampli correspond alors aux + des haut-parleurs.

Le gain de l’ampli vaut ici :

gain de l’étage d’entrée x gain de l’intégrateur = -2,14 x (-21,3) = 45,5

Pour éviter de modifier le fonctionnement de l’ampli classe D, il vaut mieux ajuster R2 si on souhaite plus ou moins de gain pour l’ampli classe D. Jouer sur R2 n’entraîne aucune conséquence.

La fréquence d’auto oscillation de l’ampli classe D se situe autour de 180 kHz avec R5a = 1 k. La plage de bon fonctionnement se situe entre 150 kHz et 300 kHz pour fixer les idées.

Translateur de niveau de l’ampli classe D

La tension de sortie de l’intégrateur est référencée à la masse 0V et doit être décalée au niveau de -Vcc pour attaquer l’entrée du IR2184. C’est le rôle de T3, R5 et R7. L’intégrateur fournit une tension triangulaire qui varie entre +1 V et +4 V environ, T3 est toujours en conduction (mode linéaire). Si on néglige son courant de base, la tension aux bornes de R5 est égale à celle aux bornes de R7. La tension base-émetteur fluctue peu et on peut considérer qu’elle est constante (-0,6 V). R16 protège le IR2184 dans le cas où T3 court-circuiterait et viendrait relier l’entrée du IR2184 directement à la masse 0 V. Par simplicité, on choisit la même valeur.

D3 protège la base de T3 contre les tensions inverses, si U1b sature au niveau bas (-7 V environ). La tension base-émetteur inverse des bipolaires est souvent de +/-5 V seulement.

Etant donné que T3 est en mode linéaire et que le potentiel de son collecteur varie peu (quelques volts), il n’ajoute pratiquement pas de retard sur le chemin du signal.

T3 peut être par exemple un 2N5401 ou un MPSA92, éventuellement un BC556 pour des tensions d’alimentations inférieures à +/-50 V DC.

Commande des transistors MOSFET de sortie

Il est difficile de contourner les circuits intégrés tout faits pour piloter 2 transistors Mosfet en demi-pont. Avec une seule entrée logique, le IR2184 pilote en opposition de phase et avec un temps mort de 0,5us les transistors T1 et T2.

D4 est une diode de bootstrap (minimum 200 V 1 A) ultra rapide. R13 évite d’éventuelles surtensions du condensateur de bootstrap C12 dans le cas où la source de T2 verrait un transitoire de tension inférieur à -Vcc (à l’ouverture de T2). Ceci est dû à l’inductance parasite en série avec la source de T2.

Les grilles de T1 et T2 sont pilotées avec un temps mort supplémentaire bien utile. Le temps mort prévu par le IR2184 ne semble pas suffisante pour éviter une brève conduction simultanée (shoot through) de T1 et T2 lors des commutations.

La patte 2 du IR2184 est une entrée « shutdown » qui désactive le fonctionnement. Si on la laisse en l’air, la pull up interne l’amène autour de 3,8 V. Pour mettre le IR2184 en mode silencieux, il faut tirer la patte 2 à la masse. C16 lisse la tension présente et permet un petit retard du à l’hystérésis interne du IR2184.

La commande des transistors avec le IR2184

En remplacement du IR2184, il existe différentes solutions basées sur un IR2011 associé à un 74HC02 pour créer deux signaux en opposition de phase pour chaque transistor mosfet.

Il n’est malheureusement pas simple de créer l’équivalent du IR2184 en discret avec force transistors, diodes et autres composants.

Filtrage de sortie de l’ampli (filtre LC)

Ultra classique, le filtre de sortie est un circuit LC (L1 et C13). R13 et C14 sont facultatifs mais conseillés pour éviter des surtensions si aucun haut-parleur n’amortit la résonance possible entre L1 et C13. R13 n’est pas dimensionnée thermiquement pour supporter en permanence une forte puissance (ce qui arriverait si l’ampli classe D reproduisait des signaux autour de 20-50 kHz à forte puissance. En pratique, on peut se contenter d’une résistance de 2 W. C14 peut éventuellement être réduite à 100 nF si R13 surchauffe réellement.

L’inductance ne doit jamais saturer, même au courant crête qui vaut la tension d’alimentation divisée par l’impédance du haut-parleur. Avec un haut-parleur de 4 Ohms et un inductance 10 A, la tension d’alimentation ne doit pas dépasser +/-40V à pleine charge. En pratique, si on dépasse le courant limite, l’ampli classe D fonctionne quand même, mais en cas de court-circuit, la protection est probablement moins efficace.

L’inductance doit aussi être adaptée au domaine de fréquence autour de 200kHz.

Transistors de sortie

Il faut choisir des Mosfet qui supportent :

Vds : 200 V (pour alim jusqu’à +/-75 V environ)

Id : 20 A à 40 A continus

Exemples de transistors adaptés à l’ampli classe D : IRFB4620, IRFB5620, STP40N20, IRFB31N20D

Il faut monter les transistors de sortie sur un petit radiateur (eh oui, c’est suffisant) d’environ 5 x 5 cm de côté.

Protection de l’ampli classe D

Simple et économique, la protection contre les courts-circuits repose sur une lecture du courant dans une résistance série de faible valeur (shunt). Il s’agit de R22 (0,1 Ohm 5W). R23 et R24 forment un diviseur de tension. Lorsque la sortie de l’ampli est court-circuitée, le courant va augmenter en rampe avec une vitesse limitée par L1 (valeur : Vcc/L1 = 1,3 A/us environ au repos). Si l’inductance sature, la vitesse d’augmentation du courant sera beaucoup plus rapide (inductance réelle plus faible). La protection des amplis classe D fonctionne plutôt bien de façon générale parce que l’augmentation du courant est progressive en cas de court-circuit.

L’astuce réside dans le montage de T7 et T8.

Si la tension atteint +2 V sur la borne « sortie (-) », T7 entre en conduction.

Si la tension descend à -2 V sur la borne « sortie (-) », T8 entre en conduction.

Cette méthode détecte donc les deux sens du courant. Tout ceci fait entrer T4 en conduction. T4 décharge instantanément C16 et le IR2184 se coupe (shutdown actif). C16 se recharge, et une nouvelle tentative s’amorce à un rythme de 1ms environ (pull up interne du IR2184).

C16 est nécessaire pour laisser une « pause » entre deux tentatives. Dès que le court-circuit est supprimé, l’ampli redémarre.

C35 évite le déclenchement intempestif de T4. Ceci arrive si l’inductance de sortie est non blindée, non torique et se trouve proche de T4. On remarque ce défaut si des craquements apparaissent lorsqu’on « monte le son ». Ceci est très visible à l’oscilloscope sur charge fictive et signal sinus.

Le court-circuit peut durer indéfiniment sans dommage pour l’ampli. Ici, le test a été fait avec une inductance de 47 uF 8,5 A (inductance 1447385 chez Murata) et qui sature probablement au courant limite de 20 A, mais l’ampli supporte tout de même le court-circuit.

Le seuil est fixé à 20 A environ pour le cas où un haut parleur de 4 Ohms est branché et que l’alimentation est +/-60 V en charge. Lorsque R22 chauffe, si T7 et T8 sont à proximité, leur tension de seuil va diminuer (-2 mV/°C) et le seuil de protection en courant va diminuer. Toute cette partie est facultative mais conseillée !

Vous pouvez trouver un montage d’ampli classe D simplifié, sans protection contre les courts-circuits en sortie

Ampli classe D simple sans protection

Les 2 limites de cette méthode de protection sont :

– réduction du facteur d’amortissement (on insère 0,1 Ohm en série avec le haut-parleur)

– pas possible de conserver cette protection si on souhaite bridger ce type d’ampli classe D). En mode bridge, le haut-parleur n’est pas connecté à la masse.

Mais l’avantage de la simplicité et la fiabilité de cette méthode font qu’elle a été retenue ici.

R23 et R24 fixent le seuil de courant max avant mise en protection.

Découplage de l’ampli et routage

Les condensateurs C31 à C35 doivent être montés au plus près des transistors T1 et T2 pour minimiser les boucles de courant et les surtensions (surtout la tension négative transistoire sur la source de T2)

La piste qui relie la patte 3 du IR2184 à la source de T2 ne doit en aucun cas être traversée par des courants importants (entre T2 et l’alimentation -Vcc par exemple). Sinon, le IR2184 peut être détruit par la tension négative transitoire qui entraîne une tension trop élevée aux bornes de C12 (bootstrap capacitor overload). R13 est là pour limiter cet effet détecteur de crête de D4/C12. Les pistes de « puissance » doivent être bien séparées des pistes de signaux et le IR2184 doit être monté proche de ses transistors T1 et T2.

Si l’ampli classe D fonctionne à faible signal, produit un excellent son mais casse dès qu’on atteint de forts courants, c’est peut-être le routage de cette zone qui est en cause.

Alimentation et puissance de l’ampli classe D

L’alimentation de cet ampli classe D peut alors de +/-30 V à +/-70 V. La puissance en sortie d’ampli atteint 300Wrms / 4 Ohms pour une alimentation de +/-60 V qui chuterait à +/-50 V environ à pleine charge. Pour récapituler, l’ampli classe D donne :

+/-70 V (chute à +/-60 V) : 400 W rms / 4 Ohms et 200 W rms / 8 Ohms

+/-60 V (chute à +/-50 V) : 300 W rms / 4 Ohms et 150 W rms / 8 Ohms

+/-40 V (chute à +/-30 V) : 100 W rms / 4 Ohms et 50 W rms / 8 Ohms

La puissance de sortie de l’ampli ne dépend que de son alimentation, non des transistors de sortie. C’est pareil pour n’importe quel ampli audio classe AB ou B.

Polarisation des diodes zener d’alimentation

Concernant les polarisations des zener pour alimenter l’ampli op et le IR2184, il faut adapter R20 et R21 avec les contraintes suivantes :

– 5 mA sur le +8 V

– 20 mA sur l’alimentation du IR2184 (DZ3)

Valeur max de R20 :

R20 max. = (Vcc min. – 8 V) / 5 mA

Vcc min. est la tension d’alimentation à pleine charge et vaut 70 à 90% de la tension à vide (ordre de grandeur).

Exemple :

R20 max. = (40 – 8) / 0,005 = 6,4 k Ohms

On choisit par exemple 4,7 k. Si on réduit trop la valeur, la dissipation sera trop importante

Valeur max de R21 :

R21 max. = (Vcc min. – 8 V – 12 V) / 20 mA

Exemple :

R21 max. = (40 – 8 – 12) / 0,020 = 1 kOhm

On pourra choisir 680 Ohms / 5 W.

Temporisation à l’enclenchement

Une temporisation à l’enclenchement est vivement recommandée sur cet ampli classe D. On peut ajouter un relais comme sur ce schéma très simple :

Temporisation à relais ultra simple

Sinon, allumer d’abord l’ampli puis brancher les haut-parleurs après au moins 1 seconde.

Démarrage de l’ampli classe D auto oscillant

Il est parfois nécessaire de brancher une charge à la sortie de l’ampli classe D et de faire arriver un signal (un peu de musique par exemple) pour initier la mise en route de l’oscillation. Ceci est dû au montage bootstrap qui ne permet pas le maintien en conduction de T1 indéfiniment (entre 10 et 100 ms). L’état de repos avant démarrage est donc une tension saturée de +7 V sur la sortie de U1b ainsi qu’une tension de grille nulle pour les 2 transistors de sortie.

Avantages et inconvénients de cet ampli classe D

Avantages

– ampli classe D simple

– alimentation possible de +/-30 V à +/-70 V

– puissance jusqu’à 400 W rms à 4 Ohms et 200 W rms à 8 Ohms

– protection efficace contre les courts-circuits

– très faible intermodulation (grâce à l’intégrateur d’ordre 2)

– réalisation d’un ampli classe D stéréo performant

Limites de l’ampli classe D

– utilisation d’un circuit intégré spécifique (le IR2184 de International Rectifier)

– temporisation à relais recommandée

Références

Boucles de courant et routage des amplis classe D :

http://www.irf.com/technical-info/appnotes/an-1135.pdf

Surtensions transitoires et bootstrap :

https://www.fairchildsemi.com/an/AN/AN-6076.pdf

Intégrateur et intermodulation :

http://eprints.nottingham.ac.uk/1887/1/yutancoxgoh.pdf