Les filtres secteur sont utilisés pour réduire les parasites électriques présents sur le réseau, mais aussi pour limiter le niveau de pollution émis par un appareil. Leur fonction est ainsi de bloquer dans les deux sens les parasites, c’est-à-dire des signaux électriques de haute fréquence. L’origine de ces parasites est multiple : radio fréquences, alimentations à découpage, courant porteur en ligne (CPL), surtensions transitoires, etc. Le but n’est pas ici d’étudier de façon exhaustive les causes des parasites, mais de présenter le fonctionnement des filtres secteurs usuels.

On peut souhaiter filtrer la tension secteur ou éviter d’émettre des parasites sur le secteur : dans ces deux cas, un filtre secteur est nécessaire. La fréquence du secteur (50Hz) étant très inférieure à la fréquence de découpage et ses harmoniques (>20kHz), on peut insérer un filtre entre le secteur et l’alimentation. Ce filtre doit laisser passer le secteur et non les courants parasites. Il doit aussi être non dissipatif, c’est à dire purement réactif (bobines et condensateurs). Le filtre intervient sur le neutre et sur la phase, donc sur deux courants simultanément, il est donc nécessaire de définir les deux modes existants.

Filtrer le mode différentiel et le mode commun

Les signaux résiduels haute fréquence sont à analyser selon leur mode de propagation dans les fils électriques (fiche secteur d’un appareil relié au secteur par exemple).

Mode différentiel : La plupart des alimentations prennent leur énergie sur le secteur à l’aide de deux fils isolés. Il est naturel de penser que le courant entrant par l’un sort par l’autre, c’est-à-dire qu’à chaque instant, les deux courants circulant dans les fils d’alimentations sont égaux en valeur et de sens opposé. La somme algébrique de ces deux courants est ainsi nulle. C’est le mode différentiel.

Mode commun : Si les deux fils d’alimentation sont maintenant connectés ensemble à chacune de leurs extrémités et que le courant total se répartit pour moitié dans chaque fil, le courant circulant dans chaque fil est le même, et les deux courants sont cette fois-ci de même sens. Leur somme algébrique n’est pas nulle. C’est le mode commun.

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Mode commun et mode différentiel : le filtrage secteur pour ces deux modes sera différent

Les parasites d’une alimentation à découpage se trouvent à des fréquences supérieures ou égales à la fréquence de hachage. Le courant d’alimentation 50 Hz est toujours différentiel et n’engendre pas de parasites importants. Les courants parasites (émissions conduites) peuvent être différentiels et communs, c’est-à-dire que le courant entrant et le courant sortant ont des valeurs différentes. Tout couple de courant mesuré sur la phase et le neutre peut être décomposé mathématiquement en une partie différentielle pure et une partie commune pure. Cela est à comparer à la décomposition de toute fonction en sa partie paire et partie impaire.

Différentes méthodes de filtrage électrique peuvent ainsi être mises en place pour réduire les courants conduits de mode différentiel et de mode commun. Il s’agit souvent de filtres intercalés entre le secteur et l’alimentation.

Filtre secteur pour le mode différentiel : condensateur X

Le courant secteur 50 Hz est différentiel (à chaque instant, le courant dans le neutre et dans la phase vont en sens contraire) et ne doit pas être bloqué par le filtre. Par ailleurs, les courants différentiels à haute fréquence doivent être éliminés. On place donc un condensateur en parallèle avec l’alimentation, c’est-à-dire entre phase et neutre. Ce condensateur présente une très grande impédance à 50 Hz et ne perturbe donc pas la consommation globale, en revanche, son impédance à haute fréquence devient faible et réduit ainsi les courants différentiels présents. Ces condensateurs reçoivent la tension secteur et lors du débranchement de l’appareil, ne doivent pas restés chargés à la dernière valeur qu’avait alors la tension secteur si on débranche l’appareil. Une résistance de forte valeur est placée en parallèle pour décharger rapidement le condensateur, c’est une résistance de saignée. Elle supporte la tension secteur et peut être formée par 2 résistances en série pour diviser la tension aux bornes. Après une durée donnée (1s), il ne doit plus y avoir de tension dangereuse (60V et plus) aux bornes de la prise de courant de l’appareil qu’on vient de débrancher : c’est une contrainte normative.

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Montage d’un filtrage basé sur une capacité X2 et sa résistance de décharge

Typiquement, on utilise des valeurs de 100nF à 1uF et une résistance de 220kOhm à 1Mégohm. Ces condensateurs sont de type dit « X2 ».

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Condensateur « X2 » à brancher entre phase et neutre

Filtre secteur pour le mode différentiel : inductances

Des inductances peuvent aussi être insérées dans le neutre et dans la phase, leur impédance doit être négligeable à 50 Hz et significative aux fréquences à filtrer.

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Inductances simples pour filtrer le mode différentiel

Le courant maximum qu’elles peuvent laisser passer ne doit pas être supérieur au courant appelé par l’appareil. Leur limite est souvent la saturation plutôt que l’effet Joule (échauffement).

Mode commun : origine et conception du filtre secteur adapté

Une partie non négligeable des courants parasites s’écoule vers la terre par les capacités parasites que présente l’appareil. Les courants de neutre et de phase ne sont plus égaux (en haute fréquence), ce qui signifie qu’ils présentent une composante de mode commun. C’est en réalité le mode le plus gênant au sens des émissions électromagnétiques parce qu’il n’y a pas compensation des ondes émises par les deux fils en champ lointain (distance entre les fils et le récepteur supérieur au dixième de la longueur d’onde associée à la fréquence considérée). Il s’agit d’éliminer ces composantes de mode commun à haute fréquence sans bloquer l’arrivée du secteur (différentiel). Dans le cas idéal, le composant à intercaler est parfaitement transparent au mode différentiel et forme un circuit ouvert pour le mode commun. Comme les courants parasite sont de haute fréquence et que le secteur est de 50 Hz, l’idée consiste à placer une inductance sur la ligne de neutre et une autre sur la ligne de phase. Une certaine impédance subsiste à 50 Hz, cette solution peut être améliorée.

Filtre secteur pour le mode commun : condensateur Y

Ces condensateurs, toujours par deux, ont pour but de filtrer les courants de mode commun en les déviant vers la terre. Ils sont d’égale valeur, l’un entre phase et terre, l’autre entre neutre et terre. A haute fréquence, ils forment une impédance réduite entre la terre et le secteur et dévient donc vers la terre les courants de mode commun. Leur valeur habituelle est de quelques nF, et ils sont de type dit « Y ». Leur valeur maximale autorisée est fixée par le courant qu’ils peuvent laisser passer (0.5mA max).

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Capacité Y de 4,7nF entre phase et terre, ou bien entre neutre et terre

Filtre secteur pour le mode commun : inductance de mode commun

Une conception spécifique à ce problème a été élaborée. Les inductances de mode commun ont deux bobinages de nombres de spires identiques montés sur le même circuit magnétique. Les deux bobinages sont supposés en parfait couplage. Les courants différentiels circulant dans ces deux inductances sont de même amplitude mais opposés en phase. Au total, les contributions de chaque bobinage s’annulent. Le flux magnétique est nul et l’inductance apparente aussi. Bien sur, le sens des connexions est fondamental (repérage schéma par le point sur chaque bobine).

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Symbole d’une inductance de mode commun

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Inductances de mode commun utilisées dans les filtres secteur

Dans le cas d’une erreur de connexion (sens d’un des deux bobinages inversé), le mode différentiel verrait l’inductance et le mode commun ne serait pas bloqué.

Le mode différentiel voit une inductance nulle alors que le mode commun voit l’inductance d’un bobinage. En pratique, les valeurs peuvent aller jusqu’à 50 mH environ.

Choix du matériau pour l’inductance de mode commun

Un matériau ferromagnétique est nécessaire pour garantir un meilleur couplage entre les deux inductances et pour augmenter l’inductance. Un compromis doit être trouvé entre la perméabilité du matériau et sa bande passante. Au-delà d’une certaine fréquence, la perméabilité chute, et l’inductance apparente aussi. Les matériaux de plus forte perméabilité ont une bande passante plus réduite. Le choix du matériau dépend de la bande passante à filtrer, c’est-à-dire de la fréquence de hachage. La température a un effet néfaste sur le matériau magnétique, en réduisant son flux maximum, de plus, au-delà de la température de Curie, toute activité magnétique disparaît, la ferrite n’est pas détruite, mais la fonction d’inductance n’est alors plus assurée. Le circuit magnétique doit être maintenu sous cette température, de 120 à 175°C habituellement.

Saturation du matériau magnétique

Le courant secteur passant dans l’inductance de mode commun est différentiel et ne crée aucun flux dans la ferrite. Il n’y a donc, d’après cela, jamais saturation. En réalité, cela n’est pas entièrement vrai, en effet, un certain flux sort du circuit magnétique entre chaque spire, et ce flux de fuite n’est pas annulé par l’autre enroulement.

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Tore de ferrite sur lequel peut être construite une inductance de mode commun

Si les courants secteur sont grands, il se peut que l’inductance de mode commun sature ou que le point de fonctionnement statique se déplace, faisant chuter la perméabilité apparente (pente de la caractéristique B/H). Ce phénomène est accentué par les alimentations à découpage sans correction de facteur de puissance où des pointes de courant existent à chaque alternance (pont de diode et capacité). Dans le cas où l’inductance sature, du bruit indésirable peut tout de même passer vers le secteur ou vers l’alimentation. C’est un composant dont le dimensionnement doit être fait avec soin.

L’inductance de mode commun, comme le filtre dans son ensemble, bloque dans les deux sens : immunité de l’alimentation vis-à-vis des bruits extérieurs, et réduction des émissions conduites vers le secteur. Les inductances de fuite inhérentes à chaque enroulement peuvent être exploitées pour bloquer également une certaine quantité de bruit différentiel.

Mesure des filtres secteurs

Le filtre secteur doit laisser passer le 50Hz et bloquer les parasites. On trace en fonction de la fréquence le rapport des puissances que la charge reçoit avec ou sans filtre. L’usage consiste à utiliser une charge et une source de résistance 50 Ohm. Le rapport est donné en dB, cela s’appelle les pertes d’insertion. Graphiquement, on trace l’opposé du gain qu’apporte le filtre, on obtient donc ces courbes typiques :

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Pertes d’insertion typiques d’un filtre LC

A 50 Hz, les pertes sont principalement liées à la résistance série des inductances, et à haute fréquence, l’atténuation désirée est obtenue grâce aux inductances et capacités du filtre. Une fréquence de transition propre aux impédances de source et de charge caractérise pour une alimentation donnée la performance d’un filtre secteur. La pente d’atténuation dépend de l’ordre du filtre.

Structure générale d’un filtre secteur

Pour finir, on peut présenter la structure générale d’un filtre secteur : capacité X, Y, inductance de mode commun, résistance de décharge.

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Filtre général secteur avec tous les éléments

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Maquette de filtre secteur

Attention

Tous les composants du filtre sont en contact direct avec le secteur ! Ils sont sous tension dangereuse !

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Danger électrique : le filtre secteur est relié au secteur !

Calculs et conception d’un filtre secteur

Lors de la conception d’un produit et en particulier de son alimentation, il est très difficile d’estimer avec précision les éléments parasites qui seront sources des parasites émis. Le dimensionnement d’un filtre secteur est donc largement empirique et dépend aussi de l’encombrement et du prix souhaité.