Nous aimons plus ou moins différentes ambiances lumineuses. Pourquoi avons nous souvent certaines préférences ? La courbe de Kruithof traduit la relation entre la luminosité et la température de couleur idéale en fonction de cette luminosité. Cet article présente la courbe de Kruithof, mais aussi l’effet Purkinje où certaines couleurs sembleront sombres en fonction de la luminosité.
Existe-t-il une température de couleur idéale en fonction de la luminosité ambiante ? Voici la courbe de Kruithof.
Courbe de Kruithof (expliquée ci dessous…)
Courbe de Kruithof et température de couleur préférée
La vision humaine peut très largement compenser des variations de teintes (distributions spectrales de sources lumineuses). Cette capacité est analogue à l’ajustement automatique de la « balance des blancs » sur une caméra ou un appareil photo numérique qui prend en compte la température de couleur. C’est cela qui nous permet de percevoir les couleurs des objets sous différentes conditions d’observation.
Quand on regarde dehors par une vitre teintée en vert, cela semble naturel parce que le cerveau compense et normalise la vision. Imaginons maintenant qu’on regarde dehors à travers la même fenêtre teintée mais à moitié ouverte. Nous prenons conscience de la couleur du verre teinté. Les couleurs vues à travers la vitre teintée semblent cette fois-ci modifiées parce que le cerveau se réfère à la vision naturelle (sans la vitre teintée).
Vitre teintée de voiture
La vision humaine est très indulgente pour l’éclairage global ou l’observation d’une scène, mais elle est excellente pour comparer deux conditions d’éclairages (sources de lumières différentes placées côte à côte, vitres teintées, etc).
Pourquoi la courbe de Kruithof
Blanc, c’est blanc : la somme de toutes les couleurs de l’arc en ciel. Et pourtant, selon le contexte, la lumière blanche ne nous paraît pas toujours blanche. Par exemple, la lumière d’une ampoule halogène semble jaune et peu naturelle comparée à la lumière extérieure qui vient des fenêtres si l’espace est très ouvert. En revanche, la même lumière halogène semblera blanche dans un espace où la lumière du jour n’entre que par une petite fenêtre. C’est cette fois-ci la lumière du jour qui paraîtra bleue. Alors, laquelle est la vraie couleur blanche ? Les deux : il existe en réalité une variété de blancs qui diffèrent par leur nuance « chaude » ou « froide ». Ces nuances, parfois subtiles, se caractérisent par la température de couleur (voir les articles sur la température de couleur).
Températures de couleurs possibles sur une gamme de LED (3500 K à 6500 K)
A une température de couleur de 2000 K, la lumière semble orange ou ambre : elle contient une grande proportion de rouge et de jaune. A une température de couleur de 10000 K ou plus, la lumière semble bleutée. Entre ces deux températures de couleur, la lumière semblera blanche, mais cela dépend du contexte et de la luminosité. Préfère-t-on une température de couleur pour une luminosité donnée ?
Température de couleur : éclairage d’oeuvres d’art
On peut penser qu’une oeuvre d’art (tableau) est faite pour être vue avec la lumière sous laquelle l’artiste l’a créée : lumière du jour ou de la bougie… Si l’oeuvre a été créée sous la lumière du jour, il serait pertinent de l’exposer en musée sous la même teinte « lumière du jour ». Des éclairages appropriés de couleur froide seraient ainsi nécessaires. Et pourtant, il n’en est rien !
Quand un artiste peint dehors, la température de couleur de la lumière est élevée (ciel bleu, soleil) et l’intensité lumineuse aussi. Quand la peinture est exposée en musée, elle sera éclairée par une luminosité bien plus faible. Même si la température de couleur est conservée, le rendu sera en réalité déplaisant. Ceci est décrit par la courbre de Kruithof.
En 1941, le chercheur allemand Kruithof publia un graphique qui résume la relation empirique entre température de couleur préférée et luminosité. Ce résultat repose sur des données quantitatives et décrit ce que nous percevons tous (souvent sans le dire !).
Courbe de Kruitof : température de couleur et luminosité
La courbe de Kruithof décrit le ressenti d’une lumière agréable ou désagréable. La température de couleur que l’on préfère est d’autant plus élevée que la luminosité est élevée.
Exemples suivant la courbe de Kruithof
Faites votre choix : image de gauche ou de droite ?
Faible luminosité : préférence pour l’image de gauche (température de couleur faible)
Forte luminosité : préférence pour l’image de droite (température de couleur élevée)
L’effet Purkinje
Cette préférence pour les tons chauds pour une faible luminosité n’est pas seulement culturelle : feux pour s’éclairer la nuit et ciel bleu – ou gris – la journée.
La sensibilité de l’œil aux couleurs varie avec la luminosité : c’est l’effet Purkinje (du nom du découvreur : Jan Evangelista Purkinje).
Sensibilités globales de l’œil pour les deux visions
La vision nocturne (en niveau d’intensité seulement, donc noir et blanc) est moins sensible au rouge que la vision diurne (cônes). A forte luminosité, le rouge est bien perçu. A faible luminosité, le rouge paraît sombre. Des géraniums d’un rouge vif au grand jour sembleront sombres comparés au feuillage à la tombée de la nuit.
Effet Purkinje sur des géraniums
Il est ainsi naturel pour compenser l’effet Purkinje d’augmenter la quantité de rouge à faible luminosité, c’est-à-dire de diminuer la température de couleur. L’effet Purkinje explique la courbe de Kruithof.
La nuit bleue : plus littéraire que physiologique
La vision nocturne (scotopique) est surtout sensible au bleu : la sensibilité maximale des bâtonnets se situe vers 500 à 510 nm (turquoise/bleu). Est-ce pour cela que nous apprenons dans notre tendre enfance que la nuit est bleue ?
En réalité, à faible luminosité (nuit), nous ne percevons que des niveaux de gris. Même si un objet bleu ou vert semblera plus clair qu’un objet rouge, les teintes ne peuvent pas être discernées par la vision nocturne.
Vue d’artiste de la vision scotopique en niveaux de gris
La lumière « cendrée » de la lune évoque les dégradés de gris.
Un passage de Vol de nuit de Saint-Exupéry décrit une vision sans couleur :
« Sur ces forêts sur lesquelles pleuvent, inlassablement, sans les colorer, les rayons de lune. Et noires aussi comme des épaves, en mer, les îles. Et cette lune, sur toute la route, inépuisable : une fontaine de lumière. »
Cependant, la nuit peut sembler bleue par contraste avec une source lumineuse jaune ou orangée.
« Cette fenêtre est salie par l’aube. Cette nuit, elle était bleu sombre. Elle prenait, à la lumière de la lampe, une profondeur de saphir. Cette nuit, elle se creusait jusqu’aux étoiles. »
(Saint Exupéry, Courrier Sud)
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