Le choix d’un triac de puissance ne dépend pas seulement du courant et de la tension, mais aussi des transitoires de tension et de courant en particulier lors de l’ouverture du triac.

Courant dans le triac et température

Le courant maximum que le triac de puissance peut supporter n’est limité que par la température, sauf pour des applications spécifiques où la commutation à l’ouverture peut aussi être critique. Si le triac est utilisé sur une tension sinusoïdale (type secteur 50Hz ou 60Hz américain), on ne considère que les pertes de conduction.

Un triac va chauffer d’autant plus que le courant qui le traverse est plus grand. En gros, on peut compter sur 1Watt par Ampère (ce qui revient à dire qu’il y a une tension de seuil de 1V à ses bornes quand il est passant).

L’exemple d’un triac de puissance 16A 600V (le BTB16-600BW) :

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Dissipation de puissance en fonction du courant dans un triac de puissance 16A

La température de la jonction Tj se détermine de la façon suivante :

Tj = Ta + Pd.(Rth j-a)

ou bien :

Tj = Tc + Pd.(Rth j-c)

avec :

Ta = température ambianteTc = température du boitier du triacPd = puissance dissipée (en watts)Rth j-a : résistance thermique entre jonction et environnement ambiantRth j-c : résistance thermique entre jonction et boitier

Rth j-c est très inférieure à Rth j-a, la chaleur se transmet beaucoup mieux dans le boitier que jusqu’à l’air ambiant, surtout sans le triac n’est pas monté sur un radiateur !

Pour une utilisation du triac en régime sinus, la puissance Pd est donnée par :

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Puissance dissipée par le triac en fonction du courant efficace IRMS

Avec :

Vto : tension de seuil

Rd : résistance dynamique du triac à l’état passant

Pour chaque triac, la datasheet donne le courant maximum qui est limité par les pertes de conduction. La jonction ne doit jamais dépasser 150°C ou 125°C selon les triacs.

Le pire cas, c’est quand le triac est passant 100% du temps (pas de graduation), dans ce cas, on voit que la dissipation de puissance est à peu près proportionnelle au courant. A 16A, il dissipe 19W, soit l’équivalent d’un petit fer à souder ! Le boitier TO220 du triac doit impérativement être monté sur un radiateur ! Sans radiateur, un boitier TO220 ne peut dissiper qu’environ 1.5W et le triac ne pourrait donc commuter que 300W environ sans radiateur.

Ci dessous, l’exemple du triac BTB16-600BW 16A 600V :

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Triac de puissance 16A : courant vs température

Le triac de puissance peut laisser passer 16 Ampères tant que la température de son boitier garantit à la jonction de ne pas dépasser les 125°C. Pour le triac BTA (boitier isolé), lorsque le boitier du triac (qui est donc fixé au radiateur) dépasse 85°C environ, on ne peut plus faire passer les 16A dans le triac, sinon sa jonction interne dépasserait les 125°C : le triac serait grillé !

Comme le triac BTB (boitier non isolé et relié à A2) offre une meilleure conduction de la chaleur, ce triac peut garantir que sa jonction ne dépasse pas 125°C alors que son boitier peut monter à 105°C environ.

Le cas limite, c’est à 125°C de température de boitier. Si le boitier est « déjà » à 125°C (exemple : triac mis dans un four thermostat 125°C), le moindre Ampère qui passerait dans le triac échaufferait la jonction de 1°C ou 2°C, mais elle dépasserait le seuil fatidique des 125°C : il ne reste aucune marge sur la température. A bord du précipice, le moindre centimètre vers le gouffre, et c’est la chute !

En résumé pour un triac de puissance en boitier TO220 :

– sans radiateur, le triac peut aller jusqu’à 1A. Pour graduer ou commuter une ampoule jusqu’à 230W, aucun radiateur n’est nécessaire

– pour aller jusqu’au courant maximum du triac de puissance, un radiateur est nécessaire. Attention, le radiateur peut être relié au secteur.

Commutation du triac : éléments critiques dv/dt et di/dt

L’ouverture du triac est un élément critique à prendre en compte. La particularité des triacs, c’est qu’une fois qu’ils sont amorcés, ils restent passants même lorsque le courant de gachette est coupé. Fonctionnement normal, me direz-vous. Un triac peut même rester passant au delà de l’instant où son courant d’anode passe par zéro. Cela n’arrive que lorsque le triac est utilisé au delà de ses spécifications, en particulier si :

– le courant qui le traverse décroît trop vite (di/dt trop grand)

– la tension qui réapparait à ses bornes augmente trop vite (dv/dt trop grand)

C’est pourquoi on parle de di/dt critique et de dv/dt critique pour un triac. On note ces termes (di/dt)c (comme critical) et (dv/dt)c (toujours comme critical).

Il ne faut pas négliger ces données d’un triac sinon un (ré)amorçage non désiré peut avoir lieu. Plutôt gênant si on souhaite graduer une ampoule ou un moteur et que tout à coup, un petit saut ou un petit flash apparait dû à une conduction momentanée non désirée.

Un triac peut être décrit comme deux thyristors montés tête bêche en parallèle et couplés avec une seule surface de contrôle (sur le silicium). Pour déclencher les deux thyristors, la surface de contrôle recouvre les deux zones de conductions.

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Structure interne d’un triac : 2 thyristors tête bêche

Pendant la durée de conduction, une certaine quantité de charge est injectée dans la structure. Ces charges disparaissent par recombinaison pendant la décroissance du courant et par extraction après l’ouverture (courant inverse). Cependant, si un excès de charge reste, en particulier au voisinage des zones de la grille, cela peut entraîner une autre zone de conduction lorsque la tension est réappliquée aux bornes du triac. On voit des commutations ci dessous :

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Commutation d’un triac : a) réussie, b) ratée

On voit à droite que le triac a commencé à s’ouvrir, la tension à ses bornes augmente (comme aux bornes de tout interrupteur qui s’ouvre !) et tout à coup, la tension repasse à zéro : le triac est à nouveau passant, et le reste… On voit que le courant IT au lieu de s’annuler (à gauche), change de signe, devient positif et continue. Trop tard pour enrayer cette conduction ! Une nouvelle chance sera donnée lorsque le courant IT repassera par zéro : le triac s’ouvrira-t-il ?

Pour éviter un réamorçage du triac non désiré, il faut s’assurer que :

– la décroissance du courant respecte la valeur autorisée par le triac, (di/dt) est inférieure en valeur absolue au (di/dt)c du triac utilisé

– la croissance de la tension respecte la valeur autorisée par le triac, (dv/dt) est inférieure en valeur absolue au (dv/dt)c du triac utilisé

On voit l’importe des paramètres du triac (di/dt)c et (dv/dt)c.

Pour les triacs snubberless, seul le di/dt doit être vérifié. Le di/dt à l’ouverture peut être calculé facilement tant que le courant est sinusoïdal. On calcule la dérivée du courant (la dérivée en maths !) :

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Dérivée du courant au passage par zéro du courant

Par dérivation de cette fonction sinus, on obtient la relation :

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Pour nos réseaux électriques, f = 50 Hz.

IPEAK = IRMS x racine de 2 (rapport entre valeur crête et valeur efficace pour un sinus)

Le di/dt est habituellement donné en A/ms (Ampères par milliseconde) plutôt qu’en A/s (Ampères par seconde).

1A/s = 0.001A/ms (si le courant varie de 1A en 1s, en 1ms, il a 1000 fois moins le temps de varier et ne varie que de 0.001A)

On peut donc écrire pour un réseau 50Hz :

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Le facteur 0.44 est en inverse de seconde.

Pour un réseau 60Hz, le facteur 0.44 devient 0.53.

On constate que le di/dt est proportionnel au courant crête et au courant efficace.

Habituellement, les triacs ont des caractéristiques de courant et de (di/dt) c qui font que le (di/dt)c n’est pas une donnée si critique que cela. Si on utilise un triac en dessous de son courant nominal, il n’y a que peu de chance qu’on dépasse son di/dt critique… A titre de comparaison, les camionnettes qui possèdent un grand volume peuvent supporter un certain poids en charge aussi. Ce serait malheureux qu’un constructeur propose une énorme camionnette mais qui ne puisse supporter que 20kg dans son volume… De même pour les triacs : pas trop de souci à se faire avec le di/dt critique, sauf pour les triacs sensibles (sensitive triac) ne demandant qu’un très faible courant de gachette. Dans ce cas, il se peut que ce soit le di/dt critique qui limite le courant maximum en régime sinusoïdal. Un triac 16A ne pourra pas commuter 16A à 50Hz si son di/dt est trop limité.

Ci dessous, l’exemple du triac de puissance BTB16-600 en version BW, CW et SW

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Courant et di/dt pour les triacs de puissance BTB16-600

Le triac peut être limité par :

– soit son courant maximum efficace (ici 16A)- soit son di/dt critique (di/dt)c

Le courant de 16A correspond à un (di/dt)c de 7.04A/ms. Si le di/dt critique est supérieur à 7.04A/ms, c’est le courant 16A qui est le plus restrictif. C’est le cas des triacs BTB16-600BW et CW. En revanche, le triac sensible SW a un (di/dt)c de 3.0A/ms seulement. C’est cela qui limitera son utilisation à 50Hz sinus. Si on dépasse cette valeur, les réamorçages intempestifs auront lieu.

Cas critiques pour les triacs

Les seules applications où le (di/dt)c doit être traité avec attention sont les suivantes :- Moteurs universels : la commutation des balais fait que la vitesse de décroissance du courant di/dt peut dépasser la valeur calculée à partir du sinus comme expliqué plus haut. Typiquement, le di/dt peut valeur 3 fois la valeur calculée

– Charges connectées via un pont de diodes. La vitesse de décroissance est alors limitée par un l’inductance de la charge. C’est pourquoi on doit mettre une inductance en série avec le triac pour limiter le di/dt dans certains cas.

Croissance de la tension aux bornes du triac dV/dt

A l’ouverture du triac, la tension remonte vite aux bornes du triac. Si la tension remonte trop vite, le triac ne va pas s’ouvrir correctement. Un réamorçage intempestif aura lieu. Dans ce cas, c’est que la vitesse de croissance en tension a dépassé la valeur critique (dv/dt)c propre au triac utilisé. Un exemple de datasheet donne le dV/dt critique :

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dV/dt critique pour un triac de puissance

Les optotriacs (MOC3021, MOC3023, etc) ont un dV/dt bien plus faible et doivent souvent être protégés contre cela pour éviter des déclenchements non souhaités.

Instabilités des variateurs de lumière DMX ou 0-10V

Typiquement, les gradateurs de lumière utilisant des triacs pilotés par optotriacs peuvent présenter ce problème : à des intensités lumineuses faibles, les ampoules graduées font des petits flashs, scintillent de façon instable et pénible pour l’oeil du spectateur et les nerfs du régisseur. Il ne s’agit pas de charge franchement inductive (une ampoule à filament n’est pas très inductive) mais de réamorçages du triac. Ces réamorçages tendent à se produire sur une seule des deux demi alternances. Avec un voltmètre en position DC, on mesure une tension de plusieurs dizaines de Volts aux bornes de l’ampoule lorsqu’on tombe sur la position instable de la valeur de commande du variateur (valeur DMX, 0-10V, etc).

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Exemple de variateur de lumière DMX : triacs pilotés par optotriacs

On peut ajouter un circuit RC qui sert à la limiter la vitesse de montée en tension aux bornes du triac le plus critique :

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Optotriac et circuit de limitation du dV/dt

Ce bout de schéma est issu de la datasheet de l’optotriac MOC3023.

Triacs de puissance et courant de démarrage

Les triacs présentent une excellente robustesse aux courants de démarrage grâce à leur structure N-P-N-P sur le silicium. Par exemple, un triac peut supporter jusqu’à 6 à 10 fois son courant nominal pendant une demie période (10ms ou 8.3ms). Ici, le triac de puissance BTB16-600BW :

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Courant de démarrage 160A admissible par un triac 16A

La tenue aux pointes de courant d’un triac est donnée par le ITSM et les courbes qui donnent la variation de ITSM en fonction de la durée de l’impulsion. La donnée du i²t donne aussi l’énergie transitoire qui peut passer à travers un triac. Le i²t sert aussi à dimensionner les fusibles. Plus le i²t est grand, plus le fusible ou le triac résisteront à des pointes de courant élevées (démarrage d’un moteur, appel de courant à l’allumage d’une lampe halogène).

Tension d’un triac de puissance

Le triac doit bien sur pouvoir résister à la tension crête du secteur. Pour une application en 230V, la tension crête atteint 325V. Il est prudent de garantir une marge de 15 à 20% (variation de la tension secteur et surtensions éventuelles. Pour le 230V, il faut choisir un triac minimum 400V, si possible 600V (pas vraiment plus cher, alors pourquoi se priver).

Mot de la fin sur les triacs

Les triacs de puissance doivent être dimensionnés en fonction du courant et de la tension maximale, mais les paramètres dv/dt et di/dt sont des paramètres critiques à prendre en compte si on souhaite éviter des réamorçages intempestifs du triac. Les nouveaux triacs snubberless sont très pratique parce qu’ils se passent de snubber.

Réalisations de variateur de lumière 2000W par voie à partir de triacs de puissance :

Réalisation variateur de lumière 4 x 2000W à triac

Réalisation et schéma d’un variateur de lumière 3 x 2000W à triac

Références

Des notes d’applications sur les triacs de puissance, leur commutation et leur fonctionnement :

AN4363 STMicroelectronics Application note : How to select the Triac, ACS, or ACST that fits your application

AN2991 STMicroelectronics Application note : Single-phase induction motor drive for refrigerator compressor application (formerly AN1354)

AN439 STMicroelectronics Application note : Snubberless™ and logic level TRIAC behavior at turn-off

AN437 STMicroelectronics Application note : RC snubber circuit design for TRIACs