Sensorielle, sensuelle, mentale ou encore relationnelle, l’hyperesthésie est un développement extrême de nos perceptions qui peut ouvrir grand la porte des images poétiques.
On peut commencer par proposer une définition de l’hyperesthésie.
Hyperesthésie sensorielle
Citons ces trois exemples d’hyperesthésie :
– L’ouïe
Certaines personnes sont très sensibles aux bruits. Cela est un avantage certain pour écouter de la musique, juger de la qualité d’un système acoustique pour audiophiles. C’est entendre des différences imperceptibles pour le commun des mortels, ressentir avec une extrême finesse la scène sonore jouée par un disque, un ampli et des enceintes.
Système acoustique pour audiophile
Mais cela peut aussi être une douleur physique lorsque trop de sons de certaines fréquences arrivent aux oreilles (hyperacousie). L’hyperacousie rend ces sons là insupportables : coup de klaxon, sirène d’ambulances, travaux routiers, mais aussi le bruit de ses propres pas, d’un torrent, d’oiseaux ou d’un vieux téléviseur cathodique qui siffle (fréquence de 15625Hz). Ce sont des bruits extérieurs qui dérangent et non des illusions (acouphènes).
Même si aucune explication n’est certaine sur l’hyperacousie, elle peut être due à une exposition excessive au bruit. On peut devenir hyperacousique après un coup de feu ou un concert trop bruyant.
Evénement riche en décibels
– L’odorat
Certaines personnes sont très sensibles aux odeurs. Dans la littérature, on peut citer le personnage de Jean-Baptiste Grenouille (dans Le parfum de Suskind) qui est un véritable nez. Dans la vie courante, cette hyperesthésie peut être dérangeante : sentir que quelqu’un est allé à la piscine la veille, de quel plat son collègue s’est taché à son dernier repas. Dans la foule, les odeurs (pas toujours agréables) abondent…
Mais la description des odeurs évoque souvent des souvenirs, la nostalgie d’un passé révolu où l’on sent, on savoure « ces parfums d’herbe et d’étoiles, la nuit, certains soirs où le coeur sedétend« (Camus, Le mythe de Sisyphe).
Ici, on pressent déjà la correspondance des sens – la synesthésie – qui ouvre vers l’association propre à la poésie.
– Le toucher
La place du toucher est essentielle, même si souvent oubliée ou discrète. Notre peau ne nous sert pas seulement de protection, elle nous sert aussi à entrer en contact avec le monde extérieur, avec l’autre. La peau est notre organe du toucher, ses deux mètres carrés en font l’organe le plus étendu du corps. Notre corps est un ami et nous soignons sa peau – notre peau ? – par des crèmes, des traitements, des maquillages qui la chargent de beauté, au soleil ou en soirée.
Nous entretenons sur notre peau une atmosphère tropicale primitive de 30-32°C en permanence en ajoutant une couche de vêtement quand le froid fait rage. L’hyperesthésie peut se manifester pour des personnes extrêmement sensibles au chaud et au froid.
Les sensations épidermiques nous sont connues avant la naissance, puis les souvenirs agréables sont souvent tactiles chez le bébé. Une poignée de main est utile pour saluer ou faire la paix. La plupart d’entre nous apprécient les massages. L’idée d’amour sans contact physique peut alors surprendre. Un baiser exprime un sentiment, mais il le déclenche aussi…
Amour exprimé ou déclenché ?
Le toucher nous accompagne de l’affection tendre à l’étreinte sexuelle, dans le recueil exquis des plaisirs de la peau – et non de la chair.
L’hyperesthésie mentale
Une forme de « surefficience mentale » (douance) se caractérise par l’hyperesthésie, mais aussi une grande susceptibilité, un fonctionnement cérébral par associations, une curiosité et une créativité étonnantes, des intérêts variés, un sens de l’humour pas toujours compris.
Les perceptions vives qui viennent de l’extérieur perturbent sans cesse, il peut être difficile de ne faire qu’une seule chose à la fois, d’être détendu malgré les pensées et les musiques incessantes.
On peut affirmer que l’hyperesthésie n’est, pour ces profils atypiques, qu’une caractéristique parmi d’autres.
Le repli peut sembler une solution pour s’intégrer aux autres, en se présentant volontairement comme une personnalité simplifiée, tronquée. Une tentative de réponse serait plutôt d’accepter sa propre différence, apprécier de s’émerveiller d’un rien, de comprendre vite, d’avoir une grande empathie, de ressentir intensément un morceau de musique ou une oeuvre d’art.
« L’art du surdoué, c’est d’apparaître potentiellement non dangereux. » écrit Marilyn Merlo
« C’est un grand tort que d’avoir eu raison avant les autres. » selon Edgard Faure
L’hyperesthésie de la sensualité
Certaines zones de la peau sont douées d’une sensibilité sexuelle particulière, surtout chez les femmes. Ces zones érogènes sont souvent localisées sur les lèvres, mais aussi sur le lobe des oreilles, la nuque, le genou ou le petit doigt.
La précision extrême du détail est facilitée par l’hyperesthésie. On peut citer la richesse des détails de la vierge du chancelier Rolin (Van Eyck) qui ouvre sur quelque chose de presque irréel et qui éclaire l’oeuvre.
La sensibilité à un degré extrême permet d’expliquer des cas de fétichisme érotique où sont excitantes des matières bien précises : soie, velours, tissus, etc… Le contact avec ces matières peut déclencher par leur vue, leur odeur, leur toucher, l’hyperesthésie de la sensualité.
Dauphins ou étreinte ?
Une association d’impressions, de symboles, une construction intellectuelle sont le chemin de la sublimation du désir sexuel. Paradoxalement, plus on se perd dans le détail, plus le sens semble apparaître. Du morceau élu, du parfum, de l’objet jusqu’à l’ouverture spirituelle se déploie la diversité d’une sensualité hyperesthésiée. En ce sens, à partir de peu, de très peu, le fétichisme fait parvenir aux choses infinies « qui chantent les transports de l’esprit et des sens » (Baudelaire, Correspondances).
L’hyperesthésie : une entrée dans la poésie
La poésie consiste à privilégier la forme du message par rapport au fond du message. On laisse un peu de côté la transmission de l’information (le signifié) pour travailler la forme (le signifiant). Le signifiant s’ouvre sur un ensemble de signifiés, d’associations d’images, d’idées, d’émotions. La rime et le vers symbolisent la forme de la poésie.
L’hyperesthésie favorise la perception d’images, d’associations d’idées qui sont la conséquence positive d’une distraction spontanée. Si ces images sont surprenantes et joliment exprimées, elles nourrissent une imagination utile à la création artistique ou littéraire. Les synesthésies (correspondances entre les sens) aident encore à cela, et les personnes désirant exprimer leur ressenti joueront de cela avec un vocabulaire étendu, parfois spécialisé.
– Un oenologue dira d’un vin qu’il est boisé, clair, étoffé, fruité, ou encore généreux.
– Un audiophile décrira un rendu sonore velouté, brillant, cristallin.
Lumière cristalline
Et nous voilà à décrire ce que nous ressentons avec des images, des correspondances, pour essayer aussi de transmettre notre émotion… Camus, dans Le mythe de Sisyphe, affirme l’ignorance qu’offre les théories des scientifiques : « Vous m’expliquez ce monde avec une image. Je reconnais alors que vous en êtes venus à la poésie, je ne connaitrai jamais. »
Invitation de tous les voyages
Le poème Correspondances de Baudelaire établit de façon certaine les synesthésies : « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent ». Les parfums y sont assimilés à des impressions tactiles, ensuite vues comme des sons, ou encore des images.
L’hyperesthésie relationnelle
La grande sensibilité de l’hyperesthésie relationnelle se caractérise par :
– tendance à l’autocritique
– intériorisation pénible des échecs
– paranoïaque par la pensée, méfiance exagérée (s’imaginer que les autres pensent du mal)
– risque suicidaire
– attente de l’approbation d’autrui
– vif désir de se faire aimer
Parfois malmenées comme des locomotives, surtout trop émotives, ces personnes hypersensibles sont difficilement fréquentables et finissent souvent par provoquer le rejet tant redouté. L’erreur de jugement d’une situation entraine une interprétation erronée du vécu. On explique d’ailleurs aussi ainsi certains phénomènes paranormaux comme les voix électroniques.
Conclusion sur l’hyperesthésie
Au contraire de l’anesthésie, l’hyperesthésie est une réactivité extrême aux perceptions de notre environnement, ou aux contacts sociaux. Le sens du toucher est en lien étroit avec la sensualité. Pour décrire les sensations vives et nos émotions, nous utilisons des images autant pour tenter de décrire un ressenti que pour verser dans la création artistique. L’hyperesthésie souligne le lien entre sens, sensualité et poésie.
« Cette douceur pourrait outrepasser la Terre » (Jules Supervielle)
Je ne sais pas si la personne qui a écrit cette article est hyperesthésique. Mais un hyperesthésique ne s’imagine pas être la proie des autres. on l’est parce que plus fragile, plus sensible. Quand on me pose la main sur l’épaule, je ne ressens pas du plaisir mais des brûlures, un tiraillement de la peau, Les frottements même les moindre peuvent me faire des plaies. Les produits de soins sont agressif pour ma peau, … Des bleus apparaissent sur ma peau par simple frollement,…
Je suis SED et hypersensorielle, hyperesthésique, …
Cordialement,
Aaa