Un transformateur 230 V peut-il être alimenté une tension plus élevée ? Peut-on enlever des spires au primaire pour augmenter la tension de sortie et économiser du cuivre ? Eh bien non, à cause d’un phénomène : la saturation du noyau magnétique. Le même phénomène de saturation apparaît dans d’autres cas qui sont présentés dans cet article.

Un transfo idéal ne consomme aucun courant au primaire si aucun courant n’est débité par le secondaire (secondaire ouvert, sans charge), et pourtant, ce qui relie les deux bornes du primaire, c’est un fil conducteur ! En fait, tout se passe comme si l’impédance du primaire était infinie, c’est-à-dire que l’inductance du primaire (inductance magnétisante) était infinie. Ceci est presque vrai grâce au matériau magnétique qui, par sa présence à l’intérieur des spires, augmente considérablement l’inductance. Mais ce matériau sature lorsqu’il ne peut plus emmagasiner d’énergie magnétique supplémentaire et l’inductance du primaire chute considérablement.

Pour étudier la saturation d’un transfo de tension (torique ou cubique), il suffit de faire des mesures au primaire du transfo, le secondaire restant ouvert. On peut imaginer qu’il n’y a qu’un bobinage primaire (pas de secondaire du tout). Le bobinage secondaire, quand il est ouvert, ne joue aucun rôle.

Saturation des transformateur

Il faut un nombre minimum de spires pour faire un bobinage primaire alimenté par du 230 V 50 Hz. On ne peut pas réaliser un transfo 230 V vers 23 V avec 10 spires au primaire et 1 spire au secondaire !

Un transfo ne fonctionne pas avec une tension continue. Il lui faut une tension alternative. Pour éviter que le matériau ne se magnétise indéfiniment dans le même sens (d’où la saturation au delà d’un seuil), il faut que la durée de magnétisation soit assez courte. Il faut donc une fréquence minimale pour éviter qu’en fin de demie période, le matériau sature, comme un seau d’eau trop plein qui déborderait.

Pour plus de détails, voir :

La saturation magnétique des transformateurs

Expression de la formule de Boucherot

La formule de Boucherot ne s’applique qu’aux régimes sinusoïdaux.

Voici la formule de Boucherot :

U = 4.44B.N.S.f

La tension U est proportionnelle à 4 termes :

B : champ magnétique à l’intérieur du matériaux magnétique (tôles empilées, etc)

N : nombre de spires du bobinage

S : surface de section du matériau magnétique (en m²)

f : fréquence de la tension appliquée (50Hz si le transfo est branché au 230V)

4.44 : c’est Pi x racine de 2. Ce facteur est dû au régime sinusoïdal étudié par la formule de Boucherot.

Saturation magnétique et tension maximum sur un bobinage

Le matériau magnétique est caractérisé par un champ magnétique maximum Bmax au delà duquel il n’est pas possible d’aller. C’est la saturation magnétique. Avec la formule de Boucherot, on peut exprimer la tension maximale Umax applicable au bobinage (primaire ou secondaire) :

Umax = 4.44Bmax.N.S.f

La tension maximale est proportionnelle :

– au champ magnétique maximum du matériau

– au nombre de spires du bobinage

– à la surface de section du matériau

– à la fréquence de fonctionnement

Si on augmente la tension au delà la tension maximale que peut supporter un bobinage de transfo, le courant augmente de façon extrêmement rapide et dangereuse. La mesure du courant permet de constater la saturation magnétique.

Les alimentations à découpage fonctionnent à des fréquences supérieures à 20 kHz (souvent entre 50 et 200 kHz), ce qui permet de réduire considérablement la taille du transfo. Comme f est beaucoup plus élevé, on peut réduire le nombre de spires N et la surface de section S du matériau. En fonction de la fréquence utilisée, différents matériaux sont optimum (tôles empilées, poudre de ferrite de différents types, etc).

Courant consommé au secondaire

La saturation magnétique n’est jamais due à un excès de courant consommé au secondaire (lorsqu’on dépasse la puissance nominale du transfo). En effet, une consommation de courant au secondaire entraîne un courant supplémentaire consommé au primaire et la contribution de ces deux courants s’annule en terme de champ magnétique dans le matériau. Le courant secondaire n’est limité que par la résistance série des fils et l’inductance de fuite du transfo. On peut dépasser largement le courant nominal d’un transfo (pourvu que la durée soit limitée).

La saturation magnétique d’un transfo n’est due qu’à une tension trop grande ou une fréquence trop faible appliquée au transfo (voir formule de Boucherot).

Nombre minimum de spires

En reprenant la formule de Boucherot appliquée à la saturation :

Umax = 4.44Bmax.N.S.f

Pour un transfo donné Bmax et S sont fixés. On peut jouer sur le nombre de spires N. Si on souhaite brancher le primaire sur du 230 V, il faut donc un nombre minimum de spires.

Pour le dire autrement, il y a une tension maximum par spire qui impose un nombre minimum de spire si on souhaite qu’à 230 V, le transfo ne sature pas. Par ailleurs, la tension réseau 230 V peut fluctuer de 5 à 10% dans les pires cas et il est donc bon d’avoir une marge. Le transfo ne doit pas saturer dès 231 V ! Voilà pourquoi on ne fait pas de transfos avec quelques dizaines de spires ou quelques spires au primaire !

Barrage, trop plein et diode zener

Plusieurs analogies peuvent être faites sur la saturation magnétique d’un transformateur. La saturation magnétique peut évoquer la diode zener. Au delà d’une certaine tension, le courant dans le primaire d’un transfo (secondaire à vide) augmente de façon très rapide. Cela rappelle la diode zener. D’ailleurs, certains anciens stabilisateurs de tension sans électronique (années 1960) étaient basés sur la saturation magnétique : les stabilisateurs à fer saturé. Des stabilisateurs de marque Voltam ou Sabirmatic servaient pour protéger une télé ou une radio contre des augmentations de la tension réseau.

L’analogie hydraulique consiste à imaginer un barrage ou un trop plein. Au delà d’un certain niveau d’eau (la tension électrique), le débit d’eau (courant) devient très grand parce que le barrage déborde (dangereusement) alors qu’en dessous du seuil, il est nul ou quasi nul.

Saturation magnétique = barrage qui déborde !

formule de boucherot le transformateur 0

Barrage (barrage du Chambon dans les Alpes)

Mesures réalisées sur un transfo torique 230 V 50 VA

Les mesures sont faites sur un transfo torique de moyenne puissance (230 V 50 VA)

formule de boucherot le transformateur 1

Transformateur torique 50 VA : saturation possible…

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Transfo torique 50 VA avec prise de tension et pince de courant

Le but est de « pousser » le transfo jusqu’à la saturation, et un peu au delà pour mesurer le phénomène.

On applique une tension alternative qui varie de 200 V à 250 V au primaire du transfo :

formule de boucherot le transformateur 3

Saturation du transfo : courant élevé à 250 V de tension d’entrée

Le courant qui circule dans le primaire atteint ses extrêmes en fin de demi-périodes. En effet, la magnétisation du matériau s’accumule durant toute la durée d’une demi-période et atteint son maximum tout à la fin. C’est à cet instant que le transfo peut saturer. On constate qu’à 250 V, le courant atteint une valeur bien plus élevée qu’à 230 V (10 mA par division). Il y a un début de saturation.

En augmentant encore la tension au primaire (sans changer la fréquence) :

De 250 V à 280 V :

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Saturation très prononcée du transfo : de 250 V à 280 V

Le courant augmente dans le primaire très vite avec la tension appliquée : la saturation est visible parce qu’en fin de demi-période, le champ Bmax est atteint dans le matériau. Le matériau ne peut plus emmagasiner d’énergie magnétique supplémentaire, comme une éponge trop mouillée saturée d’eau. L’inductance apparente chute considérablement, et le courant atteint des valeurs impressionnantes : 34 fois plus de courant à 280 V par rapport à 250 V.

Ce transfo 230V ne peut donc pas fonctionner au delà de 260 ou 270 V, le courant primaire étant bien trop élevé. On constate que le fabricant a prévu une marge sur le nombre de spires au primaire. A 230 V, on est encore loin de la saturation franche. On aurait pu retirer 10 à 15% des spires au primaire.

Autre étude de la saturation

D’après la formule de Boucherot, on peut augmenter la tension d’entrée Umax si on augmente la fréquence en même temps.

Umax = 4.44Bmax.N.S.f

Le champ magnétique Bmax, quant à lui, est une constante qu’on ne peut pas dépasser.

D’où Bmax = Umax / (4.44.N.S.f)

On peut doubler la tension maximale si on double la fréquence en même temps. Si on alimente le transfo par une fréquence plus faible, l’amplitude de la tension doit être diminuée d’autant. Le rapport tension/fréquence doit être constant (U/f = constante). Ceci se vérifie expérimentalement :

On applique différentes tensions au primaire du transfo :

  • 100 V 20 Hz
  • 200 V 40 Hz
  • 250 V 50 Hz

300 V 60 Hz

On constate que le courant crête reste constant (60-63 mA) :

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Etude du transfo à U/f = constante

La formule de Boucherot se vérifie impeccablement !

Conclusion sur la formule de Boucherot

Le matériau magnétique d’un transfo ne peut pas emmagasiner plus d’une certaine quantité d’énergie par unité de volume. Lorsque ce maximum est atteint, il y a saturation magnétique. Électriquement, on constate la saturation magnétique par une augmentation incontrôlée du courant lorsque la tension appliquée sur un bobinage dépasse les bornes. A cause de la saturation magnétique, il existe une tension maximale admissible par spire pour un transfo donné. Pour réaliser un transfo, il faut donc un nombre minimum de spires à bobiner pour une tension donnée.