La protection d’un ampli audio avec un relais qui s’ouvre en cas de court-circuit ou de surcharge sur la sortie n’est efficace et fiable que si elle est accompagnée d’une limitation en courant pour les étages de sortie. En effet, le temps d’ouverture d’un relais électromécanique standard est de plusieurs millisecondes et ce temps est bien trop long pour protéger les transistors de puissance en cas de courant excessif.

Pour protéger un ampli contre les courts-circuits, l’idée de mettre en série un fusible ne suffit pas parce que le temps d’ouverture du fusible est lui aussi trop long, quel que soit le type de fusible. Un fusible ne protège pas un ampli audio contre un court-circuit. Il peut éventuellement plus ou moins protéger contre les tensions continues, mais cette méthode n’est pas très fiable.

Pour bien protéger un ampli audio contre les courts-circuits, il faut donc y ajouter deux protections : une limitation en courant et éventuellement une protection par relais. La limitation en courant fixe un courant maximum qui peut passer dans les transistors de puissance et pour éviter une surchauffe de ces transistors, l’ouverture d’un relais peut être ajoutée. Les deux détections doivent fonctionner simultanément.

Protection de l’ampli avec limiteur

La protection d’un ampli doit intervenir dans le cas d’un court-circuit (à la place du haut-parleur) ou d’une surcharge de la sortie.

Protection contre les courts-circuits

Pour protéger un ampli audio efficacement contre les courts-circuits, il faut ajouter un circuit de limitation en courant qui vient prélever sa propre mesure sur les résistances d’émetteur. Les résistances d’émetteur servent au réglage du courant de repos, à l’équilibrage des courants dans le cas où des transistors sont montés en parallèle et servent ici en plus à la lecture du courant et donc à sa limitation.

Pour être plus précis dans la limitation de courant, il est intéressant de laisser passer un maximum de courant lorsque la tension instantanée de l’ampli est proche de l’une ou l’autre de ses alimentations et au contraire de réduire le courant maximum autorisé quand la tension de sortie est proche de zéro. Le but est de ne pas dépasser la zone de fonctionnement fiable des transistors de puissance (SOA : safe operating area).

Imaginons un ampli alimenté en +/-60V et délivrant sa puissance sur une charge de 4 Ohms. Le courant crête peut atteindre 60V/4Ohms = 15A.

Si la limitation de courant est réglée sur 15A et qu’un court-circuit se produit, la totalité de la tension se trouve alors aux bornes d’un transistor puis de l’autre (sur chaque demi alternance). La dissipation dans les transistors atteint alors 15A x 60V = 900W. Ils vont très rapidement surchauffer et se détruire. L’ampli n’aura alors finalement pas résisté très longtemps au court-circuit en sortie.

Le but de la protection est donc d’être plus restrictive quand la tension aux bornes du transistor de sortie est grande. Donc voici l’astuce : on ajoute une résistance et une diode vers la masse dans le circuit de la base du transistor de protection.

Le schéma usuel d’une protection qui tient compte de la tension (la version la plus élaborée) est donc présenté ci dessous :

protection court circuit ampli relais

Protection astucieuse d’un ampli audio avec limitation en courant dépendant de la tension (schéma)

Ce type de protection s’appelle en anglais « VI limiter », indiquant ainsi que V et I sont pris en compte pour la limitation. Cette méthode « intelligente » permet de mieux protéger l’étage de sortie. Elle est utilisée dans la plupart des amplificateurs professionnels qui garantissent une bonne robustesse.

Dans le cas où la tension de sortie est nulle ou quasi nulle, R5 et D3 (pour la partie NPN) ne servent pas. Le courant traverse R2 et Q7 entre en conduction quand la tension aux bornes de R2 atteint 0,7V environ. Pour le schéma ci-dessus, le courant maximum délivré à tension nulle est égal à :

0,7V/0,22Ohm = 3,2A environ

L’intérêt de la protection présentée ici (le « VI limiter ») réside dans l’ajout de R5 et D3 (et R6 et D4). Lorsque la tension de sortie est positive, R5 vient faire un pont diviseur avec R4 et fait ainsi diminuer le potentiel de la base de Q7. Il faudra donc davantage de tension aux bornes de R2 pour faire entrer en conduction Q7.

Plus la tension de sortie est élevée, plus le courant maximum fixé par la limitation est élevé. La protection « VI limiter » limite donc davantage quand il y en a besoin, c’est-à-dire quand la tension aux bornes du transistor est élevée.

La proportion entre R5 et R4 donne l’influence de la tension sur la valeur limite du courant. Elle détermine en fait l’impédance minimum de charge en sortie de l’ampli. Par exemple pour un ampli qui doit accepter 4 Ohms, il faut respecter la proportion :

Impédance de charge / R2 = R5 / R4

Ceci optimise la protection de l’ampli « VI limiter » : limiter le courant en cas de court-circuit et laisser un courant suffisant quand la tension de sortie est élevée.

Protection contre charges inductives

Lorsque le haut-parleur est très inductif, un déphasage important se produit entre la tension de sortie et le courant qui traverse le haut-parleur (et donc aussi les transistors de puissance). Un échauffement supplémentaire se produit lorsque le déphasage est important. En d’autres termes, l’énergie dite réactive est dissipée dans les transistors de puissance et génère un échauffement supplémentaire.

Le déphasage courant tension fait qu’à tension de sortie nulle, le courant n’est pas nul. Il ne faut pas que la protection se déclenche. Le pire cas correspond à un déphasage de 45° entre courant et tension. Pour éviter la mise en route de la protection, le courant que doit laisser passer la protection à tension de sortie nulle est de 50% du courant crête maximum si la charge est purement résistive.

Ci dessous une allure du courant en cas de charge inductive :

protection court circuit ampli

Déphasage visible entre la tension délivrée par l’ampli et le courant qui circule

Aux instants où la tension est nulle, un courant circule. Du point de vue de l’ampli, cette situation est identique à un court-circuit.

Note : une charge inductive produit de l’énergie réactive et s’appelle aussi charge complexe (à cause de son impédance complexe, au sens mathématique du terme).

Exemple : alimentation +/-60V, haut-parleur 4 Ohms

Courant crête : 60V / 4Ohms = 15A

La protection doit laisser passer 50%, soit 15A / 2 = 7,5A lorsque la tension de sortie est nulle.

Protection de l’ampli avec relais

Un relais peut être ajouté pour couper la sortie de l’ampli en cas de court-circuit ou de courant continu en sortie (transistor de puissance grillé par exemple). Dans ce dernier cas, la protection de l’ampli est surtout là pour le haut-parleur.

La protection avec relais intervient en supplément de la limitation en courant. Voici un schéma de protection à relais (contre les courts-circuits et le courant continu) :

schema protection ampli relais

Schéma de protection à relais contre les courts-circuits et le courant continu

Sur le schéma, l’encadré violet indique la détection des courts-circuits ou d’une surcharge. Sur le schéma de la protection, la détection est réalisée par Q5.

R9 est reliée vers l’alimentation négative de l’ampli. Elle décale légèrement le potentiel de la base de Q5. Sans cette précieuse résistance, il se pourrait que Q5 n’entre jamais en conduction puisque Q8 limiterait le courant avant que Q5 n’ait pu entrer en conduction (si le Vbe de Q8 est un peu plus faible que celui de Q5).

Le collecteur de Q5 déclenche la protection à relais :

protection relais ampli

Schéma de la partie protection : commande du relais

Le déclenchement de la protection fait entrer en conduction T1 (le BD139), ce qui crée une tension négative sur l’ensemble C2-C3. R10 et C2 accélèrent de façon transitoire la charge de l’ensemble C2-C3.

La tension aux bornes de C2-C3 est normalement nulle et s’écarte de zéro en valeur absolue en cas de déclenchement de la protection ou de tension continue sur une des sorties (via R7 ou R8).

L’ensemble basé sur un redresseur double alternance réalisé par l’ampli op et les diodes D1 et D2.

schema redresseur double alternance ampli op

Il s’agit d’un montage valeur absolue (redressement double alternance) avec gain +10 ou -10 selon le signe de la tension d’entrée. Ce redresseur à ampli op présente un seuil.

La fonction de transfert du redresseur avec seuil est donc présentée ici :

redresseur double alternance ampli

Redresseur à ampli op double alternance avec seuil (valeur absolue avec seuil)

Le gain du redresseur à ampli op (montage valeur absolue) est donné par :

– si la tension d’entrée est positive : 1 + R6/R5 = 10 (cas où D1 est passante)

– si la tension d’entrée est négative : -R6/R4 = -10 (cas où D2 est passante)

Autres fonctions de la protection de l’ampli

Le schéma de cette protection pour ampli intègre aussi une temporisation à l’enclenchement des haut-parleurs et une LED qui indique que la protection est active.

Lorsqu’un court-circuit est présent sur la sortie de l’ampli, la protection à relais se déclenche en 10 à 20ms. Durant ce temps, le courant est de toutes façons limité de sorte à ne pas détruire les transistors de sortie. Une acquisition en mode « single » à l’oscilloscope permet de bien visualiser cela : écrêtage du courant puis coupure du relais. Au bout de quelques secondes, le relais commute à nouveau, puis s’ouvre à nouveau si le court-circuit est toujours présent.

Temporisation à l’enclenchement

C6 sert de temporisation à l’enclenchement des haut-parleurs. R12 et R14 permettent d’établir la tension aux bornes de C6 de telle sorte que l’entrée inverseuses de U1b soit autour de 4V (Vcc/3). A la mise sous tension de l’ampli, cette tension monte très rapidement à 12V puis redescend lentement vers 4V. Quand elle passe par 6V, le comparateur bascule et le relais commute (et la LED « Protection » s’éteint).

Déclenchement de la protection

Lorsque la tension d’entrée (aux bornes de C2-C3) en valeur absolue s’écarte trop de zéro, la sortie de U1a monte et décharge C6.

U1b est utilisé en comparateur. R13 et R15 fixent un seuil autour de +Vcc/2, soit 6V environ. Le comparateur U1b passe au niveau bas (sortie de U1b autour de -10V) et le transistor s’ouvre. La LED rouge « Protection » s’allume et son rôle est aussi de protéger la base de T2. Si vous ne souhaitez pas utiliser de LED, on pourra la remplacer par une diode (1N4148 par exemple).

D4 est une diode de roue libre pour protéger T2 contre une surtension lors de l’ouverture du relais.

Relais de protection des haut-parleurs

Si on ne dispose pas de 40mA sur l’alimentation 12V, il est possible d’alimenter le relais par l’alimentation positive de l’ampli mais il faut ajouter une résistance en série pour fixer à 12V environ la tension aux bornes de la bobine (pour un relais 12V). On peut aussi choisir un relais 48V, ce qui réduira la dissipation de la résistance série à ajouter.

Le relais pilote les haut-parleurs et offre ainsi ces fonctions :

– temporisation à l’enclenchement des haut-parleurs

– protection contre les courants continus (utilisation d’un montage redresseur valeur absolue)

– protection de l’ampli contre les courts-circuits

– LED de visualisation « protection » à mettre en face avant de l’ampli

Mot de la fin

Cette protection pour ampli audio est efficace mais le schéma n’est pas des plus simples. L’intention était ici de regrouper différentes fonctions pour offrir une grande robustesse vis à vis des conditions difficiles : surcharges, charge trop inductive, court-circuit, tension continue en sortie.

schema ampli protection relais

Exemple de réalisation d’ampli 2x200W avec cette protection à relais