Lorsqu’on branche un transformateur, un appel de courant a lieu. En réalité, pas toujours, ou du moins d’amplitude variable. Comment peut-on caractériser l’appel de courant et comprendre pourquoi son amplitude varie d’une mise sous tension à l’autre ?
Théorie et mesures pratiques sont présentées dans cet article.
Un appel de courant (inrush current) existe lors du branchement d’un transformateur sur le réseau électrique. Cela ressemble au courant de démarrage d’un moteur mais ne tient pas aux mêmes phénomènes.
La dérivée du flux magnétique est proportionnelle à la tension aux bornes du primaire. Le flux magnétique est l’intégrale de la tension primaire. En régime sinusoïdal établi, les 2 courbes sont déphasées de 90°.
Le flux magnétique est proportionnel au courant primaire: le courant et le flux sont en phase et tous les deux en retard de 90° par rapport à la tension.
Dans tout l’article, le secondaire est à vide : le courant secondaire ne contribue pas au flux.
Allure de la tension primaire, du courant primaire i et du flux magnétique en régime établi
Imaginons que le primaire du transformateur soit branché brutalement au réseau quand la tension instantanée est à sa valeur maximale. Le courant primaire et le flux partent de zéro et atteignent la valeur maximale, mais pas plus vite qu’en régime établi. Il n’y a pas d’appel de courant dans ce scénario.
Transformateur branché lors de la tension crête du réseau
Imaginons maintenant que le primaire du transformateur soit branché brutalement au réseau quand la tension instantanée est nulle. En régime établi, c’est l’instant où le courant est à sa valeur minimale extrême (di/dt=0). Ici au démarrage, le flux était au contraire initialement nul. Quand le flux augmente suite à la demie alternance positive, il part de zéro au lieu de partir de sa valeur négative extrême. Le flux maximal atteint donc une valeur environ égale au double de la valeur « normale » du régime établi.
Dans un transformateur idéal, le courant atteindrait le double du courant en régime établi, mais en réalité, cela peut entraîner la saturation magnétique du matériau. Lorsque le matériau magnétique (tôles de fer, mumétal, ferrite) est saturé, le courant augmente de façon considérable. L’appel de courant du transfo peut ainsi largement dépasser le double du courant à vide en régime établi.
Même si cela pourrait paraître contre intuitif, le pire cas correspond donc à brancher le transformateur lorsque la tension réseau passe par zéro.
L’idéal est donc de brancher le transformateur lorsque la tension réseau atteint sa valeur crête.
Comme on ne peut maîtriser l’instant précis où le transformateur est mis sous tension, il faut dimensionner les éléments pour le pire cas (plus grand appel de courant)
Protection du transformateur par fusible
L’appel de courant d’un transformateur dépend de la tension instantanée du réseau auquel il est branché. Pour protéger un transformateur, il faut insérer en série un fusible temporisé qui supporte l’appel de courant sans claquer.
Fusible temporisé (« timelag » ou « slow blow« )
Mesure d’appel de courant en pratique
En pratique, on peut mesurer le courant d’appel d’un transfo qu’on branche dans la prise de courant.
Transfo testé: torique 100 VA, résistance DC du primaire : 19,5 Ohms, secondaire ouvert.
Appel de courant du transformateur sur 230 V/50Hz
On obtient alors ce genre de courbes :
Appels de courant lorsqu’on branche le transfo 100 VA dans la prise de courant
Les pics de courant sont toujours de même signe.
En branchant et débranchant plusieurs fois le transfo, on obtient ce genre de courbes :
Appels de courant lorsque le transfo 100 VA est branché sur le secteur
En zoomant sur la 1ère alternance du secteur, on voit l’appel de courant. En réalité, l’appel de courant dépend de la tension instantanée du secteur, mais aussi de l’aimantation rémanente (qui dépend de l’instant où le transfo a été débranché).
Voici plusieurs mesures d’appel de courant :
Observer la chute de tension lors de l’appel de courant (léger décrochage de la courbe jaune)
Ici, la tension secteur a chuté de 20 V environ pour un appel de courant de 16 A.
Appel de courant dans un transformateur lors de la mise sous tension
Détermination de la valeur crête de l’appel de courant :
En fait, l’appel de courant n’est limité que par la résistance série des enroulements et l’inductance des spires s’il n’y avait pas de noyau magnétique du tout. Le pire cas est obtenu pour une tension instantanée maximale. Le courant vaut : 325 V / 19,5 Ohms = 16,7 A
Débranchement du transformateur
Quand on débranche le transfo du secteur, la tension aux bornes du transfo est « chahutée » :
Déconnexion du transformateur
Zoom sur l’instant du débranchement du transformateur
Les nombreux transitoires de tension aux bornes du primaires s’expliquent par l’arc électrique lorsqu’on débranche le transfo.
Alimentation du primaire par une tension continue 100 V DC
Cette fois-ci, le primaire est branché sur une source de tension 100 V continus. C’est à but expérimental seulement et n’a aucun intérêt pour utiliser le transfo.
En branchant puis débranchant plusieurs fois de suite le transfo, on obtient l’allure suivante du courant :
Allure du courant lorsque le transfo est branché à une tension de 100VDC
La saturation magnétique a lieu au bout de 2 ms environ. Le courant n’est ensuite limité que par la résistance DC.
I = 100V / 19,5 Ohms = 5,1A
Attention, le primaire dissipe 510 W de chaleur ! Le test est fait pendant 1 seconde environ.
Pour mettre en évidence l’aimantation rémanente, on branche le transfo en inversant la polarité. L’aimantation va s’inverser. On observe ainsi que la saturation apparaît beaucoup plus tard.
Saturation tardive après inversion de l’aimantation
La saturation magnétique du transfo a lieu au bout de 21 ms environ. Le courant n’est ensuite limité que par la résistance DC, comme dans l’autre cas.
Les durées sont très différentes (2 ms et 21 ms) . L’aimantation rémanente du transfo torique est très prononcée.
Cycle d’hystérésis
On peut observer le cycle d’hystérésis du transfo en mode XY (tension-courant)
Cycle d’hystérésis mesuré au primaire du transformateur
Le cycle est légèrement asymétrique : cela est lié au très léger offset DC de la tension aux bornes du primaire. Le primaire est en effet alimenté par une source de tension électronique programmable 230 V / 50 Hz.
Conclusion sur l’appel de courant du transfo
L’appel de courant sur le transformateur torique n’est limité que que par la résistance série du primaire. On peut donc facilement l’évaluer sur un réseau 230 V. La résistance série du primaire se mesure tout simplement à l’ohmmètre.
A titre indicatif :
100 VA : 20 Ohms environ
250 VA : 7 Ohms environ
500 VA : 2 Ohms environ
La tension instantanée du secteur et l’aimantation rémanente conditionnent l’appel de courant du transformateur.
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