Et si le compteur de vitesse était gradué en Joules ou Mégajoules plutôt qu’en km/h, en utilisant l’énergie cinétique à la place de la vitesse pour doser sa conduite ? Probablement que nous ne conduirions pas de la même façon…
Energie cinétique de la voiture
Le compteur de vitesse de la voiture pourrait être gradué de cette façon :
Compteur de vitesse ou compteur d’énergie cinétique pour la voiture (Mazda 6 année 2005)
A 40 km/h, il n’y a « que » 100 kJ alors qu’à 184 km/h, il y a 2 Mégajoules ! Explications sur l’énergie cinétique et la vitesse de la voiture.
Energie cinétique : définition
On considère une voiture qui roule : c’est un mouvement de translation. Le fait qu’elle soit en mouvement lui donne une énergie cinétique (énergie liée à la vitesse) Ec donnée par la relation :
Energie cinétique en fonction de la vitesse
- Ec : énergie cinétique en Joules
- m : masse en kg
- v : vitesse en mètres par seconde
La vitesse en km/h doit d’abord être convertie en m/s avec le rapport :
1 m/s = 3,6 km/h
En effet, si on parcourt 1 mètre en 1 seconde, en une heure (3600 secondes), on aura parcouru 3600 fois plus, soit 3600 mètres, ou encore 3,6 km. On fait donc 3,6 km en 1 heure, c’est-à-dire 3,6 km/h.
Energie cinétique : exemples de calcul
L’exemple ici sera une voiture de 1450 kg (une grosse berline à moteur Diesel, avec une seule personne (conducteur) de 80 kg. La masse totale est donc de 1530 kg pour les calculs (eh oui, ça fait beaucoup !)
Energie cinétique de la voiture à 20km/h
On utilise la formule de l’énergie cinétique, avec :
- m = 1530 kg
- v = 20 / 3,6
Ec = 0.5 x m x v²
Ec= 0.5 x 1530 x (20 / 3,6)² = 23611 J = 23,611 kJ
L’énergie cinétique d’une voiture de 1450 kg avec son conducteur à 20 m/h est de 23,6 kJ environ.
De même, énergie cinétique de la voiture à 130km/h
Ec = 0,5 x m x v²
Ec= 0,5 x 1530 x (130 / 3,6)² = 998 kJ
A 130 km/h, on frise 1 Mégajoule d’énergie cinétique.
A 184 km/h, la voiture possède 2 Mégajoules d’énergie cinétique.
Vitesse et énergie cinétique de la voiture
L’énergie cinétique est proportionnelle au carré de la vitesse. Lorsqu’on double sa vitesse, on multiplie par 4 son énergie cinétique. Lorsqu’on triple sa vitesse, on multiplie par 9 son énergie cinétique.
Une voiture qui roule à 100 km/h a une énergie cinétique 4 fois plus grande que lorsqu’elle roule à 50 à km/h. Pour passer de 50 à 200 km/h, son énergie cinétique est multipliée par 16 ! On comprend la gravité des accidents dus à la vitesse. En effet, l’énergie cinétique (jusqu’à des Mégajoules si on roule très vite !) est dissipée lors de l’accident et provoque les déformations des pièces de la voiture.
On peut présenter le compteur de vitesse de cette façon, en faisant la correspondance entre vitesse et énergie cinétique, toujours pour une masse totale de 1530 kg :
Correspondance entre énergie cinétique et vitesse sur le compteur
Etonnant, non ? A haute vitesse, l’énergie cinétique grimpe de façon stupéfiante.
Bien sur, pour simplifier, on a supposé que le compteur de vitesse indique la vitesse exacte.
Energie cinétique des pièces en rotation de la voiture
On admet aussi que l’énergie cinétique n’est due qu’à la vitesse de la voiture (mouvement rectiligne de translation). En réalité, on peut ajouter l’énergie cinétique accumulée dans la rotation des pièces en rotation (transmission, roues, pièces moteur, etc). On peut modéliser toute cette énergie cinétique par une masse supplémentaire de 50 kg environ (ordre de grandeur). Pour les calculs, cette énergie cinétique supplémentaire 1/2Jw² pour un élément de moment cinétique J et de vitesse de rotation w (oméga minuscule) a été négligée.
Variation de vitesse et variation d’énergie cinétique
Reprenons la voiture. Si on souhaite gagner par exemple 10 km/h (en accélérant, ce qui revient à dépenser du carburant pour le convertir partiellement en énergie cinétique), le supplément d’énergie cinétique dépendra directement de la vitesse. Gagner de la vitesse c’est augmenter son énergie cinétique. Un freinage est une dissipation d’énergie cinétique. N’importe quel cycliste aura compris que freiner est une pure perte de vitesse précieusement acquise à la sueur de son front :
Energie cinétique du cycliste : sa fortune de Joules (et non d’euros)
Le cycliste fait des efforts mécaniques pour acquérir sa précieuse fortune (sous forme de vitesse). S’il est obligé de freiner, il dissipe cette vitesse. C’est un gaspillage d’énergie.
Lorsque la voiture passe de 10 km/h à 20 km/h :
Ec = 0,5 x 1530 x (10/3.6)² = 5,9 kJ à 10 km/h
Ec = 0,5 x 1530 x (20/3.6)² = 23.6 kJ à 10 km/h
La voiture gagne donc +17,7 kJ en passant de 10 km/h à 20 km/h
Lorsque la voiture passe de 120 km/h à 130 km/h :
Ec = 0,5 x 1530 x (120 / 3,6)² = 850 kJ à 120 km/h
Ec = 0.5 x 1530 x (130 / 3,6)² = 998 kJ à 130 km/h
La voiture gagne donc +148 kJ en passant de 120 km/h à 130 km/h
Lorsque la voiture passe de 190 km/h à 200 km/h :
Ec = 0,5 x 1530 x (190 / 3,6)² = 2131 kJ à 190 km/h
Ec = 0.5 x 1530 x (200/3,6)² = 2360 kJ à 200 km/h
La voiture gagne donc +229 kJ en passant de 190 km/h à 200 km/h. Si un conducteur est amené à freiner de 200 km/h à 190 km/h, il dissipera 229 kJ (ce qu’on appellerait un petit coup de frein) alors que s’il freine de 20 km/h à 10 km/h, il ne dissipe que 17,7 kJ (en ville à un carrefour par exemple).
Impressionnant, n’est-ce pas ? Les cyclistes parmi vous auront remarqué qu’il est bien plus facile de passer de 0 à 5 km/h que de passer de 30 km/h à 35 km/h… L’effort fourni par les jambes, c’est l’énergie cinétique qu’on investit dans sa vitesse.
Energie cinétique et vitesse de la voiture
Une voiture qui roule, c’est une petite fortune d’énergie cinétique ambulante. Imaginons que sur une courte distance, le conducteur soit amené à freiner ou s’arrêter. Il va dissiper de l’énergie cinétique en chaleur dans les freins de la voiture. Voyons 3 situations où la voiture va perdre 100 kJ lors du freinage :
Situation 1
Le conducteur roule à 41 km/h et doit s’arrêter brutalement.
Energie cinétique initiale = 0,5 x 1530 x (41 / 3,6)² = 100 kJ
Energie cinétique finale = 0,5 x 1530 x (0 / 3,6)² = 0 J
Voilà, à cause du chat qui vous a coupé la route et vous a obligé à piler, vous avez dissipé 100 kJ !
Un chat qui vous a coûté 100 kJ
Le chat ne vous les rendra pas, il faudra puiser un peu d’essence dans votre réservoir en réaccélérant pour retrouver votre énergie cinétique initiale !
Le moteur de la voiture convertit le précieux carburant en énergie cinétique de la voiture : la vitesse de la voiture est sa fortune d’énergie cinétique :
Energie cinétique accumulée sous forme de vitesse
Situation 2
Le conducteur roule à 135 km/h sur une autoroute et va freiner à 128,6 km/h.k
Energie cinétique initiale = 0,5 x 1530 x (135 / 3,6)² = 1075 kJ (1,075 MJ)
Energie cinétique finale = 0.5 x 1530 x (128,6/3,6)² = 975 kJ
Voilà, ce petit coup de frein vous (-6.4 km/h) a aussi coûté 100 kJ d’énergie cinétique !
Un petit coup de frein qui vous a coûté 100 kJ
Il faudra appuyer un peu plus sur l’accélérateur pour retrouver vos 135 km/h initiaux…
Situation 3
Le conducteur roule à 196 km/h sur une autoroute (pas française) et va freiner à 191,6 km/h. En relâchant simplement l’accélérateur, il se produira rapidement la même diminution de vitesse.
Energie cinétique initiale = 0,5 x 1530 x (196 / 3,6)² = 2267 kJ (2,267 MJ)
Energie cinétique finale = 0,5 x 1530 x (191.6/3,6)² = 2167 kJ (2,167 MJ)
Voilà, ce tout petit coup de frein (-4.4 km/h) vous a coûté 100 kJ d’énergie cinétique !
Alors finalement, d’un point de vue énergétique, on se dit l’arrêt brusque en ville à cause du chat, ce n’est pas tant que ça.
On peut récapituler ces 3 situations sur le compteur de vitesse / énergie cinétique :
100 kJ d’énergie cinétique : variations de vitesse de la voiture (Mazda 6 année 2005)
Plus on va vite, plus de grandes énergies cinétiques sont mises en jeu et plus une même variation de vitesse correspond à une grande variation d’énergie cinétique.
Le fait de voir le compteur de vitesse comme un relevé de compte bancaire instantané donne un regard nouveau qui permettra de prendre conscience que chaque freinage est un gaspillage pur et simple d’énergie cinétique.
L’anticipation dans la conduite est essentielle pour éviter ces freinages (d’urgence) qui sont par ailleurs dangereux.
Lors d’un choc (accident de la route), l’énergie cinétique est dissipée extrêmement rapidement sous forme de déformation de la voiture. Si on double sa vitesse, l’énergie cinétique à dissiper sera 4 fois plus grande !
Energie cinétique et carburant
A titre indicatif, 1 litre d’essence contient environ 30 MJ (Mégajoules) d’énergie et on peut supposer que le rendement du moteur thermique est d’environ 25% (grossière approximation, le rendement dépend énormément du couple fourni et un peu du régime moteur). Pour accumuler à 1 MJ d’énergie cinétique, il faut dépenser 4 MJ contenus dans le carburant, les 3 autres MJ étant dissipés en chaleur par le moteur de la voiture.
Pour atteindre 130 km/h (1MJ d’énergie cinétique), il faut dépenser 4 MJ, c’est à dire 4/30 litre = 0,13 litre de carburant. Si vous arrivez à un péage brusquement (passage de 130 km/h à 0), c’est 0,13 L de carburant gaspillé ! Mieux vaut anticiper pour ne rien consommer sur la plus grande distance possible et arriver tout en douceur au péage, c’est-à-dire laisser les frottements de la voiture dissiper l’énergie cinétique naturellement…
Gagner de l’argent en écoutant vos musiques préférées
Si on souhaite mieux gérer son énergie cinétique pour économiser du carburant, un secret consiste à rouler moins vite… En effet, plus on roule vite, plus les frottements à vaincre sont importants (frottements aérodynamiques majoritaires à grande vitesse). Un véritable gain existe lorsqu’on roule à 110 km/h plutôt qu’à 130 km/h sur autoroute :
Comment être payé mieux que le smic à regarder le paysage ou écouter votre autoradio ? La réponse ici :
Rouler moins vite 110 km/h vs 130 km/h
Mot de la fin
L’énergie cinétique dépend du carré de la vitesse : Ec = 1/2 mv². L’énergie cinétique est nulle lorsque la vitesse est nulle, elle est multipliée par 9 lorsque la vitesse triple.
Une même variation de vitesse correspond à une bien plus grande perte d’énergie cinétique à haute vitesse plutôt qu’à basse vitesse. En voiture, chaque freinage correspond à une dissipation d’énergie cinétique. L’anticipation dans la conduite minimise les freinages, optimise la sécurité de conduite et la consommation de carburant.
Bjr,
Quelle est la dépense de carburant dilapidée lorsqu’on s’arrête
sans nécessité à un stop ? ( à multiplier par 48 millions de véhicules en circulation ! ) .
En conséquence, ne conviendrait-il pas de supprimer les
» stop » dans les secteurs de circulation limités à 30 km/h ?
( et par la même occasion, de supprimer les » dos d’âne »
destinés à abaisser la vitesse à … 30 km/h ! ) .
Remerciements anticipés. Salutations. OA.
Super Article!
je suis tombé dessus parce que je me posais 2 questions:
1) combien coute un rond point, du point de vue énergétique , par exemple sur une départementale très fréquentée (10000 véhicules/j en moyenne) limité à 90 km/h (je ne parle pas le cout de construction qui est d’environ 500 000€ en moyenne)
2) question plus poussée mais plus pertinente: en sortie (et entrée) de 4 voies, quelle est la différence énergétique annuelle en fonction de si l’échangeur est en dessous ou au dessus de la 4 voies?
je vais tenter d’y répondre.
1) faisons l’hypothèse que l’automobiliste moyen lève le pied de 90 à 70 km/h , puis freine de 45 km/h, tourne à 25 km/h puis accélère franchement pour atteindre 90 km/h. véhicule 1500kg avec un conducteur.
PHASE de FREINAGE: energie dissipée de 70 km/h à 25 km/h en freinant: Ec à 70 km/h:283.56Kj moins Ec à 25 km/h:36.17Kj, J’arrondi à 250 Kj à dissiper dans les freins, je ne sais pas calculer l’usure des freins. Je néglige ce point, on ne change pas les plaquettes tous les mois, ni même tous les ans.
PHASE d’accélération:Ec à 90 km/h 468.75 moins EC à 25 km/h: 36.17Kj , soit 430 Kj, rendement du moteur 25% donc 1720Kj , en comptant 30 MJ/l, ça fait 0.057l.
Précision: Ce passage de rond point se fait sur 500m et fait consommer sur 0.057 juste sur le phénomène d’accélération. On n’a pas parlé des frottements: S’il n’y avait pas eu de rond point, le véhicule aurait consommé combien sur 500m en restant à 90 km/h? si je compte 4l/100 de consommation en roulant à 90 km/h stabilisé, cela fait 0.02l donc la surconsommation serait de 0.037l. mais il y a aussi des frottements dans la phase d’accélération donc je pars sur un surconsommation de 0.045l Note: une éco conduite va réduire la consommation d’un rond point en allongeant la distance du passage (sur 800m, ça fait 0.032 à déduire au lieu de 0.2)…mais il est aussi probable qu’en phase d’accélération le rendement ne soit pas de 25% mais plutôt de 15 à 20%.
Je n’ai pas besoin d’une grande précision, le but c’est d’avoir un ordre d’idée de ce que coute un rond point sur une départementale qui « accueille » 10 000 véhicules jour, 365 j par an: 0.045l *10 000=450 l d’essence par jour , 165000 l par an, soit la consommation annuelle de 150 à 200 véhicules. Heureusement que nos 30 à 40 000 ronds points ne sont pas tous sur des voies à 90km/h et qu’il remplacent des stops ou des feux sinon, ils représenteraient la consommation de 5 millions de véhicules, soit 10% de la consommation automobile en France….et dans 90% des cas, il n’y a pas d’autres alternatives à un rond point, ce qui n’est pas le cas de ma 2é question…
2) Quand les ingénieurs des routes décident de mettre l’échangeur sur ou sous la 4 voies, quelle conséquence énergétique? Vous avez tous remarqué qu’une bretelle de sortie en descente nécessite de freiner fort et qu’une bretelle d’accès en montée, nécessite d’accélérer fort. L’inverse semble mieux mais de combien?
Prenons les mêmes hypothèses avec un rond point en sortie mais avec une dénivelée de 6m (hauteur du pont plus épaisseur du tablier). E potentielle qui s’ajoute ici est Ep=mgh soit 6*9.8/1500= 88Kj.
donc la différence entre un échangeur sur ou sous la 4 voies , c’est 176 Kj au freinage et autant à l’accélération soit entre 0.023 à 0.035l (en fonction du rendement entre 15 et 25%) . Les échangeurs de 4 voies sont très fréquentés: 10 000 véhicules jours représentera plus de 100 000l d’essence gaspillée par an.
Environ 150 000€/an sur 40 ans: 6 millions d’euros, pour le seul cout de l’essence, sans parler du cout de la pollution, l’usure des pneus et des freins, les nuisances sonores, etc….j’espère qu’ils intégrent ça nos ingénieurs travaux publics!
Voilà pour ces petits estimations, vous ne regarderez plus pareil les ronds points en campagne sur nos grands axes et les sorties de 4 voies.